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Maroc : le gouvernement islamiste dans une mauvaise passe

Le Vif

Critiqué par le roi Mohammed VI, lâché par son principal allié, le parti islamiste à la tête du gouvernement est sur une pente raide, moins de deux ans après son succès électoral dans la foulée du Printemps arabe.

Le discours du roi du Maroc à l’occasion de la Fête du trône s’est caractérisé par un soutien au gouvernement Benkirane. Mais celui du 60e anniversaire de la révolution du roi et du peuple, prononcé après l’affaire du Danielgate, a été bien plus critique à l’égard du gouvernement. Porté par le souffle du changement en Tunisie et en Egypte, le Parti justice et développement (PJD), jusque-là cantonné dans l’opposition, avait remporté les législatives de fin 2011 au Maroc.

Faute de majorité, son chef, Abdelilah Benkirane, avait dû former une coalition hétéroclite, mais ce succès, précédé de l’adoption d’une constitution devant accroître les pouvoirs du gouvernement, avait suscité de nombreux espoirs.

Des critiques en rafale

Deux ans plus tard, l’atmosphère a sensiblement changé. Les critiques se font plus acerbes et portent notamment sur l’absence de mise en oeuvre de réformes sociales urgentes et sur la situation financière du royaume, où la dette a dépassé l’an dernier les 7% du PIB. Deux points qui constituaient pourtant le coeur de la campagne du PJD.

« De nombreux indices laissent penser que la chute du gouvernement islamiste n’est plus qu’une question de temps », a même avancé le quotidien Akhbar al-Yaoum. Les ennuis du PJD ont réellement commencé en mai lorsque le parti de l’indépendance et la deuxième force de la coalition, l’Istiqlal, a annoncé son retrait. Par ailleurs, le pouvoir est, à l’heure qu’il est, toujours dans l’impossibilité de reformer une quelconque coalition…

Le désamour du PJD et du roi

Dans son premier discours, du 20 août, depuis la retentissante affaire de la grâce royale accordée par erreur à un pédophile espagnol, Mohammed VI a explicitement visé le gouvernement, dénonçant sa politique éducative. Ces critiques ont fait grincer des dents au sein du parti d’autant plus que la presse ne mâche pas ses mots. « Depuis fin 2011, nous avons eu l’approximation et l’amateurisme aux commandes », a récemment asséné le quotidien L’Economiste.

Le PJD courbe l’échine

Le premier ministre Abdelilah Benkirane, soucieux d’éviter tout conflit public avec le souverain, a encaissé en silence.
« Le roi est au-dessus de nous. Notre combat est plutôt avec les forces tyranniques qui veulent mettre la main sur les richesses du pays », a-t-il déclaré, s’en prenant à son ex-allié de l’Istiqlal mais aussi au Parti « authenticité et modernité » (PAM), fondé en 2008 par…un proche du roi.

Le parti islamiste fébrile, sur fond de crise en Tunisie

Le printemps arabe et son lot de promesses n’est plus ce qu’il était. Les partis islamistes, alors en pleine gloire, essuient de plus en plus de revers. Pour le politologue Mohamed Tozy, cette conjoncture régionale joue effectivement « en défaveur du PJD dans la mesure où il l’oblige à relativiser l’argument du « triomphe électoral » comme source permanente de légitimité. « Ce que les islamistes découvrent partout, c’est que le peuple est versatile: même si on lui vend un programme sur une base religieuse, il est rattrapé par le quotidien et peut changer de camp », explique-t-il.

Au Maroc, le premier ministre Benkirane peut encore s’appuyer sur une relative popularité. Il se plie néanmoins aux ordres du souverain du royaume en déclarant: « Si j’échoue à former une nouvelle majorité, je reviendrai vers sa Majesté qui garde toute latitude pour prendre la décision adéquate », dans la perspective d’éventuelles élections anticipées.

Par Dounia Hadni

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