Benkirane © Reuters

Maroc: l’islamiste Benkirane reconduit Premier ministre

Le Vif

Le Premier ministre sortant Abdelilah Benkirane, dont le parti islamiste a remporté les élections législatives vendredi au Maroc, a été reconduit dans ses fonctions, a-t-on appris lundi de source officielle.

Le souverain a reçu M. Benkirane à son palais de Casablanca. Il l’a nommé Premier ministre et l’a chargé de former un nouveau gouvernement, a annoncé en fin d’après-midi le cabinet royal.

M. Benkirane aura la charge de reconstituer une nouvelle majorité alors que son parti, le PJD (Parti justice et développement), et son principal rival le Parti authenticité et modernité (PAM, libéraux) arrivé 2e, ont exclu toute alliance entre eux.

« Je suis encore sous l’émotion de cette décision du roi », a-t-il déclaré aux médias publics à la sortie de son audience avec le souverain.

« Je vais rentrer en discussion rapidement avec les partis », a-t-il ajouté, se disant « optimiste ».

M. Benkirane était déjà à la tête du gouvernement de coalition depuis cinq ans, après la victoire du PJD aux législatives de 2011, organisées dans la foulée d’une révision constitutionnelle menée par Mohammed VI pour calmer le « mouvement du 20 février », la version marocaine du Printemps arabe

Vendredi, le PJD a obtenu 125 députés, contre 102 au PAM, sur un total de 395 sièges. La majorité étant de 198 sièges, le PJD doit aller chercher 73 députés pour obtenir une majorité absolue et devra donc s’allier avec plusieurs autres formations. La rentrée du nouveau Parlement est prévue vendredi à Rabat.

Ancien socialiste

Aux avant-postes de la campagne électorale, très présent dans les médias, le charismatique secrétaire général du PJD est le principal artisan du succès électoral de son parti.

Malgré cinq années au pouvoir et un bilan gouvernemental en demi-teinte, M. Benkirane a « confirmé son assise populaire » par les urnes et « réussi à damer le pion au PAM d’Ilyas El Omari, son ennemi juré », a constaté lundi la presse locale.

Visage affable, les yeux un brin ironiques sous des sourcils noirs épais, barbe poivre-sel finement rasée, Abdelilah Benkirane manie avec aisance le verbe et l’humour.

Agé de 62 ans, marié et père de six enfants, M. Benkirane est originaire du quartier populaire d’Al-Akkari à Rabat. Détenteur d’un bac scientifique, il est diplômé de l’Ecole nationale supérieure (ENS) pour l’enseignement scolaire, et a fondé une école privée qu’il a longtemps gèré.

Avant d’être islamiste, il a d’abord été un militant socialiste. En 1976, à 22 ans, choqué par le comportement qu’il considère comme anti-islamique de ses camarades militants, il rejoint le mouvement de la Jeunesse islamique. Arrêté, il sera condamné à deux ans de prison.

Après sa libération en 1978, M. Benkirane décide d’opérer une « rupture » et d’agir dans la légalité. Il fonde en 1981 la Jamâa Islamiya, une association politique reconnaissant le statut religieux de la monarchie.

Animal politique

A la fin des années 1980, il est membre d’un groupe de 400 militants voulant former un parti islamiste « modéré » légal, qui condamnent fermement tout recours à la violence. Mais les autorités leur refusent l’autorisation de former ce parti.

En 1997, ils décident d’intégrer une petite formation fondée et dirigée par un proche du palais, le Mouvement populaire, démocratique et constitutionnel (MPDC) du Dr Abdelkrim El Khatib.

La même année Benkirane est élu pour ce parti à Salé, ville voisine de Rabat. Un an plus tard, le MPDC devient le PJD. Benkirane en devient le secrétaire général en juillet 2008. Il se sert du Parlement comme d’une tribune et oeuvre à l’intégration du PJD dans le système politique.

Il a été renouvelé à la tête du PJD en juillet 2012, et a reconquis vendredi -pour la cinquième fois- son mandat de député dans son fief de Salé.

En cinq ans aux affaires, Benkirane, redoutable animal politique, « a réussi le tour de force de rester le chef de l’opposition tout en étant le chef du gouvernement », estime l’historien Maati Monjib.

La formation d’une nouvelle coalition s’annonce comme un nouveau défi. Car ces élections ont consacré « le bipartisme » autour du PJD et du PAM. « Tous les autres partis se retrouvent dans une situation satellitaire », et cela complique d’autant plus la tâche de Benkirane, qui « ne dispose pas d’une grande marge de manoeuvre », selon la presse locale.

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