Marco Rubio © Reuters

Marco Rubio ou comment la comète républicaine s’est vautrée

Le Vif

Marco Rubio n’était pas qu’une belle gueule et le chouchou du parti républicain. Cela n’aura pourtant pas suffi face à Trump. Portrait.

« Certains suggèrent que j’attende mon tour. Mais je ne peux pas », déclarait solennellement le sénateur de Floride Marco Rubio le 13 avril 2015 en déclarant sa candidature à la Maison Blanche, sûr d’incarner la nouvelle garde du parti républicain. C’était deux mois avant que Donald Trump se jette dans la bataille: à l’époque, l’homme à abattre s’appelait Jeb Bush, ex-gouverneur et parrain des républicains de Floride. Onze mois plus tard, Marco Rubio a été rejeté par les électeurs de son propre Etat, à qui il devait toute son ascension en politique, et qui lui ont préféré mardi le milliardaire populiste, large vainqueur de la primaire républicaine.

« Bien que Dieu ne semble pas vouloir que je devienne président en 2016, et peut-être jamais, et bien que ma campagne soit suspendue, le fait que je sois arrivé si loin montre à quel point l’Amérique est unique », a déclaré Marco Rubio devant ses partisans à Miami.

Marco Rubio, 44 ans, était l’antithèse de Donald Trump. Le fils d’immigrés cubains voulait réinventer le rêve américain et porter « un nouveau siècle américain », jouant sur le thème du « matin en Amérique » de l’idole Ronald Reagan, avec un message conservateur mais optimiste.

Il n’était pas qu’une belle gueule. Préparant sa candidature en 2013 et 2014, le sénateur de Floride avait jalonné la route de la Maison Blanche d’innombrables discours sur la défense, l’Etat-Providence, la famille, la diplomatie. Des interventions au Sénat et dans les groupes de réflexion de Washington invariablement qualifiées de « discours majeurs » par sa très professionnelle équipe de communication. A l’écouter, le renouveau de la pensée conservatrice passait par le sénateur Rubio.

Mais 2016 se révéla être l’année des « outsiders », la saison de la colère, peu propice aux sénateurs et gouverneurs.

Fils de Cuba

Le fil rouge de la candidature de Marco Rubio était l’histoire de ses parents cubains, barman d’hôtel et femme de chambre à Miami, qui à force de travail, sans devenir riches, ont accompli le rêve américain: une famille, une maison, et un meilleur avenir pour leurs enfants.

« Ils m’ont donné tout ce qu’ils pouvaient », écrit Marco Rubio dans son autobiographie « An American Son », publiée à 41 ans. « Et je suis la preuve que leurs vies ont compté, que leur existence avait un but ».

Marco Rubio est, quoi qu’il en dise, un pur produit de l’establishment. Il a passé sa vie ou presque en politique. Deux ans seulement après son diplôme d’avocat, il est élu en 1998 au conseil municipal de West Miami. Un an et demi plus tard, à la Chambre des représentants de Floride, qu’il finit par présider de 2006 à 2008, au moment où Jeb Bush, de 18 ans son aîné, termine son mandat de gouverneur.

Il défie aux sénatoriales de 2010 le gouverneur républicain en place, Charlie Crist, soutenu par l’appareil républicain. Cette campagne fait partie intégrante de la légende Rubio, façon David et Goliath.

Progressivement, le jeune Rubio monte en notoriété et il finit par dépasser Charlie Crist, qui de dépit se présente en indépendant à l’élection, en vain: Marco Rubio est élu sénateur en novembre 2010, l’une des stars de la génération du « Tea Party ».

Son arrivée au Congrès apporte un nouveau souffle au parti républicain, tout entier mobilisé pour empêcher Barack Obama d’être réélu en 2012. La presse conservatrice est dithyrambique sur ce télégénique quadragénaire, bilingue espagnol, catholique, fan de rap… mais qui ne compromet aucune des « valeurs » conservatrices sur l’avortement, le mariage gay ou l’anti-castrisme. Eloquent et plein de répartie, malgré un débit parfois mécanique, il est le sauveur qui saura rabibocher le parti avec les électeurs hispaniques.

C’est fort de cette aura qu’il fait le pari en 2013 de promouvoir une réforme du système d’immigration afin de régulariser et, à terme, naturaliser la plupart des 11 millions d’immigrés clandestins. La réforme échoue et Marco Rubio se met à dos une grande partie des conservateurs.

Marco Rubio
Marco Rubio © Reuters

La présidentielle devait être sa rédemption. Les intentions de vote montent au fil des mois, et il finit troisième dans l’Iowa le 1er février, populaire à la fois chez les conservateurs évangéliques et les républicains plus centristes. Quand Jeb Bush abandonne, l’establishment place ses espoirs en lui.

Mais, à la peine face à l’inéluctable montée de Donald Trump, Marco Rubio est humilié dans un débat télévisé par l’ex-candidat Chris Christie. Puis, il tente le tout pour le tout: le 25 février, il lâche les chiens contre le favori et l’attaque tous azimuts, se moquant de la taille de ses mains et lançant des allusions douteuses.

La contre-offensive fait long feu et n’enraille pas son déclin derrière Donald Trump et le sénateur texan Ted Cruz. Il avoue regretter de s’être abaissé au niveau du milliardaire, refuse de se retirer et s’accroche à un dernier espoir, une improbable victoire en Floride.

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