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Mali: la prise d’otage en Algérie change la donne du conflit

Le Vif

La crise malienne a pris mercredi une nouvelle dimension internationale, avec une prise d’otages massive sur un site gazier en Algérie, organisée en représailles à l’intervention, dans les airs puis au sol, des soldats français contre les bastions islamistes au Mali.

Des combattants liés à Al-Qaïda ont attaqué à l’aube le site d’In Amenas, dans le centre-est de l’Algérie, près de la frontière libyenne, à environ 1.300 kilomètres d’Alger, exploité par le groupe britannique BP, le norvégien Statoil et l’algérien Sonatrach. Un Britannique et un Algérien ont été tués et six personnes ont été blessées, selon les autorités algériennes.

Quarante-et-un « Occidentaux », « dont sept Américains, des Français, des Britanniques et des Japonais », ont été pris en otage, a affirmé un porte-parole des assaillants, cité par deux sites d’informations mauritaniens, Agence Nouakchott information et Sahara Medias. Quelque 150 employés algériens sont également retenus, selon leur

employeur, le groupe français de logistique CIS Catering. Certains d’entre eux ont été libérés, a indiqué une source officielle.

A Washington, le département d’Etat a confirmé que des Américains figuraient parmi les otages. Un Irlandais et un Norvégien sont

également pris en otage, d’après Dublin et la presse norvégienne. Selon le porte-parole islamiste, cette opération intervient « en réaction à l’ingérence flagrante de l’Algérie autorisant l’usage de son espace aérien par l’aviation française pour mener des raids contre le nord du Mali ». « Les ravisseurs réclament la libération de 100 terroristes détenus en Algérie pour relâcher leurs otages », exigeant que ces islamistes soient conduits dans le nord du Mali, a indiqué à l’AFP par téléphone un employé du site, ayant requis l’anonymat, qui a pu écouter des échanges entre Algériens et ravisseurs.

Mais le ministre algérien de l’Intérieur Dahou Ould Kablia a affirmé que les autorités « ne répondront pas aux revendications des terroristes et refusent toute négociation ».

« Nous sommes des membres d’Al-Qaïda et nous sommes venus du nord du Mali », a assuré l’un des combattants, joint par téléphone, ce qu’a démenti le ministre Ould Kablia, affirmant qu’il s’agissait d’un groupe d' »une vingtaine d’hommes issus de la région ».

Les assaillants ont dit être sous les ordres de Mokhtar Belmokhtar, dit « le borgne », un des chefs historiques d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qu’il a introduit dans le nord du Mali. « Le borgne » a cependant été récemment écarté du groupe jihadiste et a créé sa propre katiba (unité combattante).

Au Mali même, les forces spéciales françaises ont combattu « au corps à corps » avec les islamistes à Diabali (ouest) où l’armée malienne était également présente, selon des sources de sécurité régionales. Diabali, à 400 km au nord de Bamako, a été prise lundi par les islamistes, qui y seraient dirigés par l’Algérien Abou Zeid, un des chefs d’Aqmi.

La progression vers le Nord des troupes françaises et les combats au sol constituent une nouvelle étape dans l’engagement de Paris après des raids aériens menés depuis le 11 janvier dans le centre et le nord du pays pour empêcher une avancée des islamistes vers la capitale Bamako (sud).

A Diabali, « nous avons les groupes les plus durs, les plus fanatiques, les mieux organisés, les plus déterminés et les mieux armés », selon le ministre français de la Défense. Plus de 800 soldats français sont d’ores et déjà déployés au Mali, et leur nombre devrait à terme s’élever à 2.500.

Une centaine de soldats français circulant dans une quinzaine de blindés qui avaient quitté Bamako mardi, sont par ailleurs arrivés mercredi à Markala, près de Ségou, à 235 km au nord-est de Bamako, afin d’y sécuriser un pont sur le fleuve Niger et en empêcher l’accès aux jihadistes qui se trouvent à 80 km plus au nord.

Dans la zone de Konna (centre), à 700 km au nord-est de Bamako, les islamistes qui avaient pris la ville le 10 janvier, déclenchant l’intervention française, sont toujours présents, contrairement aux affirmations de l’armée malienne. Des soldats français ont pris position près de la ville, selon une source de sécurité malienne.

A La Haye, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé mercredi avoir ouvert une enquête sur les crimes de guerre présumés commis depuis janvier 2012 au Mali par « divers groupes armés ». Les groupes islamistes armés ont notamment procédé à des lapidations et des amputations dans les territoires qu’ils contrôlent. Ils ont également été accusés d’utiliser des enfants soldats, selon des témoins et l’organisation Human Rights Watch (HRW).

Mais l’armée malienne a aussi été accusée d’exactions, notamment à l’encontre des communautés touareg et arabes. Le secrétaire d’Etat américain à la Défense Leon Panetta a jugé mercredi que les opérations au Mali ne constituent pas « une guerre française », mais qu’elles exigent « un effort international » qui devra être confirmé par l’ONU.

Les chefs d’état-major de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se sont réunis mardi et mercredi à Bamako pour étudier l’engagement militaire pour « libérer » le nord du Mali. Quelque 2.000 soldats de la force d’intervention ouest-africaine au Mali sont attendus d’ici le 26 janvier à Bamako, avec l’arrivée jeudi d’un premier contingent nigérian, a-t-on appris mercredi auprès d’un officier malien et selon un document officiel.



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