© Reuters

Mali: incertitude à Bamako, les putschistes toujours plus isolés

De plus en plus isolés à l’étranger comme au Mali, les auteurs du putsch contre le président Amadou Toumani Touré tentaient samedi de mettre fin à la dangereuse incertitude régnant dans le pays et de garder le contrôle de la situation face à une possible contre-offensive loyaliste.

Un calme précaire et tendu par endroits régnait dans la matinée à Bamako, où l’activité tournait toujours au ralenti, a constaté l’AFP au troisième jour de la mutinerie. Quelques véhicules militaires sillonnaient à vive allure les principales avenues du centre de la capitale, où banques et stations services restent fermées, posant un problème croissant de manque de liquidités et de pénurie de carburants.

Visiblement sur les dents, les putschistes contrôlaient toujours le siège de la télévision publique ORTM, qui continuaient de diffuser des émissions de musique traditionnelle, en alternance avec les précédents messages des soldats mutins assurant que « tout va bien » et invitant les Maliens à « vaquer normalement à leurs occupations ».

Vendredi en fin d’après-midi, des informations contradictoires avaient circulé sur la situation à Bamako et le sort du chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, en lien avec une brève interruption du signal de la télévision publique. « Rumeurs », avait réagi la junte du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE), assurant que la situation était sous contrôle.

Des soldats du rang dirigés par le capitaine Sanogo ont annoncé jeudi avoir déposé le président Touré, dissous toutes les institutions du pays et suspendu la Constitution, après des affrontements avec des loyalistes autour de la présidence. Ils ont accusé le président Touré, ainsi que leurs supérieurs hiérarchiques, d’incompétence dans la lutte contre la rébellion touareg et les groupes islamistes, en particulier Al-Qaïda au Maghreb islamiques (Aqmi), qui mènent depuis la mi-janvier une vaste offensive dans le nord-est du pays.

Les mutins du CNRDRE, dont la plupart sont issus de la troupe, ont leur quartier général dans la caserne de Kati, à 15 km de Bamako, où leur chef, dont on sait très peu de choses, a donné vendredi une série d’entretiens à la presse.

Le sort du président Touré reste pour l’instant toujours inconnu. On ignore si, protégé dans un endroit inconnu par des militaires loyalistes il préparerait la contre-offensive, comme l’assurait jeudi son entourage, ou s’il est prisonnier des mutins. Le chef de l’Etat « va très bien, il est en sécurité », a assuré vendredi le capitaine Sanogo, refusant cependant de dire où il se trouve. Les dirigeants du gouvernement renversé sont « sains et saufs » et seront « prochainement remis à la justice malienne », a dit l’officier, qui a promis de protéger « leur intégrité physique ».

Des incidents de sécurité –vols de voitures et pillages par des hommes en uniforme– et tirs sporadiques continuaient d’être signalés samedi dans la ville, alors que les premières heures du putsch avaient été marqués par de nombreux pillages, pour lesquels le chef de la junte s’est « excusé » et auxquels il s’est engagé à mettre fin.

A l’incertitude sur la situation militaire, s’ajoute l’incertitude politique sur les projets de la junte: à cinq semaines du premier tour de la présidentielle prévu le 29 avril, le coup d’Etat a été condamné dans une déclaration commune par 12 des principaux partis politiques maliens, fragilisant un peu plus la position des putschistes.

Samedi matin, un responsable de l’un de ces partis, l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema) a été brièvement interpellé par des militaires à son domicile de Bamako. Kassoum Tapo a été relâché peu après, après avoir reçu les excuses du chef de la junte pour son arrestation, a-t-il précisé.

Trois autres hommes politiques, qui ont requis l’anonymat, ont indiqué à l’AFP être entrés « en clandestinité », parce que selon eux, recherchés par des « hommes armés ».

Le coup d’Etat a été unanimement condamné sur la scène internationale: par les pays voisins, les organisations de la région, l’Union africaine (UA), l’Union Européenne, la France ou encore les Etats Unis.

Les frontières terrestres et aériennes du pays restent fermées depuis jeudi et un couvre-feu est en vigueur de 18H00 à 06H00. A la frontière Côte d’Ivoire/Sénégal, plus d’une centaines de camions étaient toujours bloqués samedi, a constaté un cameraman de l’AFP.

LeVif.be, avec Belga.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire