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Mali: ce que l’on sait de l’enquête sur la mort des deux journalistes

Le Vif

Les autorités maliennes affirment qu’une dizaine de suspects a été arrêtée. Paris dément et parle « d’opérations en cours ». A L’Express, un connaisseur du business des otages dans cette région avance l’hypothèse d’un acte crapuleux.

La confusion règne autour de l’enquête…

Cinq interpellations ou une dizaine, des opérations en cours… Dans le nord du Mali, à Bamako ou à Paris, on ne dit pas la même chose de l’enquête déclenchée après l’assassinat de deux journalistes français de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon.

Une source à la gendarmerie de Gao, la grande ville du nord du Mali, a affirmé à l’AFP qu’une « dizaine de suspects » avaient été interpellés « dans la région de Kidal » depuis les meurtres. Une version immédiatement démentie par Paris. « Pour nous, France et Serval, (nom de l’opération militaire française au Mali, NDLR), aucune arrestation ». Mais les militaires français disposent « d’indications permettant de remonter la trace » des meurtriers des deux reporters français, a confié l’entourage du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.

Des « opérations pour identifier un certain nombre de personnes dans des campements » ont été lancées dimanche et étaient toujours « en cours » lundi pour retrouver les auteurs du meurtre par balles de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, a de son côté déclaré Laurent Fabius.

…qui progresse

Laurent Fabius a également livré quelques détails sur l’assassinat des deux reporters. Selon le ministre des Affaires étrangères, Ghislaine Dupont « a été assassinée de deux balles dans la poitrine », et Claude Verlon « a reçu trois balles en pleine tête », mais il n’y avait « aucune trace d’impact » sur le véhicule, donc « il n’y a pas eu (…) de combat ».

Selon le porte-parole de l’état-major français, le colonel Gilles Jaron, l’hypothèse d’une exécution alors que les ravisseurs tentaient d’échapper à leurs poursuivants ne tient pas. Il a indiqué que les forces françaises basées à l’aéroport de Kidal, alertées de l’enlèvement, ont envoyé une patrouille et deux hélicoptères sur place, mais ont découvert les corps des deux journalistes sans avoir vu ou affronté les meurtriers.

Toujours aucune revendication

De nombreuses zones d’ombre demeurent toutefois sur les causes et les circonstances de la mort de deux professionnels aguerris, enlevés en plein jour, dans une ville qui est une zone de non-droit et où, selon le ministre malien de la Défense, Soumeilou Boubèye Maïga, « la souveraineté de l’Etat n’est pas effective ».
Selon lui, « la situation de Kidal est telle que toutes les infiltrations sont possibles », dont celle d’islamistes armés radicaux de groupes liés à Al-Qaïda qui avaient occupé la ville et tout le nord du Mali pendant plusieurs mois en 2012, avant de fuir l’arrivée de l’armée française en janvier 2013.

Selon le témoignage d’Ambéry Ag Rhissa, le représentant du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA, rébellion touareg) que les journalistes venaient d’interviewer et qui a assisté à l’enlèvement, les agresseurs parlaient tamachek, la langue des Touareg. Kidal est le berceau de la communauté touareg et du MNLA, organisation qui a condamné les deux assassinats, mais qui est profondément divisée entre partisans d’un dialogue avec Bamako et jusqu’aux-boutistes qui recherchent la confrontation.
Un connaisseur du sinistre business des otages dans l’aire saharo-sahélienne avance toutefois une autre hypothèse à L’Express: celle d’un groupe criminel oeuvrant en sous-traitance pour un commanditaire. L’enlèvement serait alors de nature crapuleuse. « En l’absence de revendication dans les 72 heures à venir, l’hypothèse de l’enlèvement et de l’assassinat des envoyés spéciaux de RFI par une bande criminelle opérant pour le compte d’un groupe djihadiste deviendra la plus crédible », assure-t-il.

La présence française va s’accentuer

Pour accélérer la progression de l’enquête, des policiers français sont attendus à Bamako ce lundi. A Kidal, des gendarmes français du détachement de prévôté de l’opération Serval ont déjà assisté leurs collègues maliens dans leurs premières constatations.
Les policiers seront bientôt épaulés par des renforts militaires. Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, a en effet déclaré lundi que la France allait devoir sans doute renforcer sa présence militaire au Mali. « Il nous reste près de 3000 hommes français, il va sans doute falloir renforcer encore cette présence pour pouvoir faire reculer le terrorisme », a-t-elle expliqué aux Echos.

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