Malgorzata Gersdorf © Belga

Malgorzata Gersdorf, une héroïne justicière

Le Vif

Première Polonaise à présider la Cour suprême de son pays, Malgorzata Gersdorf est devenue en quelques semaines la figure de proue des défenseurs de l’indépendance de la justice face aux réformes controversées menées par les conservateurs au pouvoir.

« Je ne suis pas d’accord avec vous », a dit au président Andrzej Duda la magistrate à la langue bien pendue, lorsque le chef de l’Etat – lui aussi juriste – lui avait annoncé qu’à son avis son mandat à la tête de la Cour venait de prendre fin.

Forte de ses connaissances – auteur de 200 publications, elle enseigne à l’Université de Varsovie – elle explique sa révolte par un point de droit. A savoir la supériorité de la Constitution – qui fixe la durée de son mandat à six ans – par rapport à la nouvelle loi qui abaisse l’âge de la retraite des juges de 70 à 65 ans.

En fait le conflit, dont lequel la dame blonde et facilement souriante joue un rôle de premier plan, peut-être sans le souhaiter vraiment, se développe sur un terrain plus vaste. Depuis leur arrivée au pouvoir en octobre 2015, les conservateurs de Droit et Justice (PiS) ont engagé une série de réformes judiciaires, vivement dénoncées par l’opposition et critiquées par la Commission européenne.

La motivation affichée par les hommes du PiS est la nécessité de rendre la justice plus efficace et de combattre la « caste corrompue » des juges, ancrée dans le passé communiste de leurs pères et prédécesseurs.

Mme Gersdorf, elle, propulsée un peu par hasard sur le devant de la scène, affirme ne pas vouloir s’engager en politique et veut limiter son action au domaine strictement juridique, à la défense de l’ordre légal.

C’est à cela que l’a préparée toute sa vie et sa carrière de plus de quarante ans.

– Deux cents publications –

Née en 1952 à Varsovie dans une famille de juristes respectés, elle termine ses études de droit en 1975 et obtient un doctorat six ans plus tard dans le domaine du droit du travail. Elle reste fidèle à cette filière, suivra une formation de juge, assumera des responsabilités croissantes, d’abord à la faculté de droit, puis à l’échelle de l’Université de Varsovie, dont elle est vice-recteur entre 2005-2008. Le nombre de ses publications dépasse deux cents, dont quelques monographies et un commentaire très connu du code de travail.

Mais cette brillante universitaire adorée par ses étudiants aime le langage direct de tous les jours et ne pratique aucune autocélébration.

Elle adhère en 1980 à Solidarnosc, premier syndicat indépendant d’Europe de l’Est et en restera membre jusqu’en 2005. Mais elle ne participe pas à la résistance anti-communiste, selon une amie citée par l’édition polonaise de l’hebdomadaire Newsweek.

Ses relations avec la Cour suprême commencent en 1991, autrement dit au moment où la Pologne se débarasse du régime communiste. Là aussi elle gravit les échelons, avant d’être nommée juge au sein de la chambre du Travail, des Assurances sociales et des Affaires publiques de cette institution, en 2008. En 2014 elle devient première femme à occuper les fonctions de première présidente de la Cour.

Sous sa houlette la Cour a manifesté à plusieurs reprises son indépendance à l’égard du pouvoir politique.

Ainsi, en mai 2017, elle a déclaré invalide la grâce accordée hâtivement par le président Andrzej Duda à un ancien dirigeant des services anti-corruption avant qu’une décision du tribunal dans son affaire devienne définitive.

Sa vie privée ne l’a pas fait sortir de son milieu: son premier mari Tomasz Giaro, avec qui elle a eu un fils, lui aussi juriste, est un théoricien éminent du droit, doyen de la faculté de droit à l’Université de Varsovie. Le second, Bohdan Zdziennicki, aujourd’hui à la retraite, avait présidé le Tribunal constitutionnel.

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