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Mais qui sont ces nouveaux druides bretons ?

En France, et partout dans le monde, des dizaines de milliers d’adeptes ont choisi de remettre au goût du jour le druidisme. Reconnue comme religion au Royaume-Uni, cette tendance New Age est pourtant critiquée pour son manque de légitimité. Elle inspire aussi quelques craintes.

Lorsqu’on discute avec Pierre-Marie Kerloc’h, autour d’un café, attablé à la terrasse d’un pub de Quimper (Finistère), sa qualité ne saute pas aux yeux. Cheveux courts, rasé de près, vêtu d’une simple chemisette et d’un jean, Per-Vari (son prénom en breton) est à mille lieux de l’image d’Epinal véhiculée par Panoramix dans la bande dessinée Astérix. Cet ancien cadre de la poste et responsable syndical n’a pourtant rien à envier au personnage imaginé par Goscinny et Uderzo puisqu’il a été élu grand druide de Bretagne ou plutôt de la Gorsedd (assemblée en gallois) de Bretagne. « Notre obédience a été fondée à la fin du 18 ème siècle par Iolo Morganwg qui avait créé la Gorsedd galoise l’une des trois obédiences officielles du néodruidisme. Nous sommes environ 2000 membres dont une petite cinquantaine en Bretagne. Toute obédience confondue nous sommes des millions. »

Un druidisme éclaté Des groupes druidiques émergent ainsi un peu partout aux quatre coins du monde. En Australie et Nouvelle-Zélande, en passant par l’Allemagne ou les États-Unis et plus particulièrement au Royaume-Uni où le néodruidisme a été officiellement reconnu comme religion. Cette tendance néopaïenne qui connaît une certaine résurgence depuis les années 60 reste pourtant très difficile à étiqueter tant les groupes druidiques ont leurs propres rites et caractéristiques. Tous ont en revanche en commun le même culte de la nature. « La Gorsedd n’est pas une religion. Ce serait plutôt une société de pensée humaniste ou philosophique », explique le grand druide. « Nous ne prions aucun dieu puisque pour nous Dieu peut être partout. L’esprit, la matière, les animaux, la nature, tout l’univers est divin. C’est donc un sentiment et un positionnement qui trouve son environnement dans la nature. »

Une société très hiérarchisée Au sein du Gorsedd, ne devient pas druide qui veut. Pour intégrer la communauté, toute personne aspirante doit faire ses preuves pendant au moins deux ans « de manière à ce que la personne sache où elle met les pieds et que l’on sache à qui l’on a affaire. » Après cette période de probation, le nouvel entrant devra choisir entre deux grades : barde ou ovate. Les premiers, comme le très théâtral Assurancetourix, seront recrutés parmi les musiciens, les écrivains, poètes et les artistes en général. Les seconds, comme c’est par exemple le cas des menuisiers, ingénieurs ou même agriculteurs, auront une capacité « à transformer la matière ». Tous pourront ensuite postuler au titre de druide (sacerdoce et enseignement) mais pas avant d’avoir acquis « un statut, une certaine maturité et une connaissance de la Gorsedd. » Enfin, le collège druidique élit son grand druide chargé notamment de présider les quatre grandes cérémonies annuelles que sont Samain, Imbolc, Beltaine et Lugnasad qui correspondent aux quatre fêtes religieuses majeures celtes.

Une filiation peu probable

Beaucoup, aujourd’hui, mettent en doute la crédibilité du néodruidisme et notamment ceux qui prétendent être les dignes héritiers des druides de l’Antiquité. Il est, en effet, très compliqué de percer le mystère druidique dans la mesure où très peu d’écrits y font référence. Ces derniers, gardien du savoir, privilégiaient l’oral à l’écrit. Par conséquent, seules quelques références grecques et romaines, notamment celle de Jules César dans « La Guerre des Gaules » nous permettent de décrire la société celte. « Je suis persuadé que le druidisme s’est maintenu à travers les traditions, les contes, les cultes populaires. Périodiquement, dans l’histoire, on reparle des druides », se défend M.Kerloc’h. « Ces textes ne nous apprennent pas grand chose. Il n’y a ni filiation historique ni de texte fondateur. Après cela tout est dit. Certains s’autoproclament héritiers des anciens druides. Moi aussi, je peux m’autoproclamer hériter de François 1er », ironise Renaud Marhic, journaliste et auteur du livre Sectes et mouvements initiatiques en Bretagne.

« Le meilleur côtoie le pire »

Dans cet ouvrage, Renaud Marhic évoque le témoignage d’un ancien membre de la Gorsedd expliquant avoir subi une manipulation mentale lors de son expérience druidique. A ce propos, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) surveille depuis quelques années les groupes druidiques mais sans relever pour le moment la moindre dérive sectaire. « Certains pensent que c’est une secte. Je leur dis de venir voir. Nos membres ont une liberté de culte, les cérémonies sont publiques, la cotisation est fixée à 40 euros. Nous ne faisons ni prosélytisme, ni porte-à-porte. Je ne vois pas ce que l’on fait de mal », s’énerve M.Kerloc’h.

La Miviludes s’inquiète en revanche « d’un risque de récupération politique et notamment proche du nationalisme », selon les mots de Claire Barbereau, membre de l’organisme français.

Dans les années 80, Per-Vari Kerloc’h et la Gorsedd avait, eux-aussi, subi une tentative de putsch de la part de certains mouvements d’extrême-droite. « Nous avons exclu ces membres et rejeté dans une déclaration toute forme de racisme », affirme le grand druide. Sa prise de décision publique contre l’expulsion des Roms de France à l’été 2010 allait en ce sens. Preuve que les druides savent aussi vivre avec leur temps.

Jacques Besnard

Les druides pour les nuls

Thierry Jigourel est journaliste spécialiste des peuples celtes, écrivain et scénariste de la bande dessinée Les Druides.

Que représentent les druides dans la société celte ?

La société celte faisait partie de la civilisation indo-européenne qui allait de l’Irlande jusqu’au nord de l’Himalaya. Dans cette société, les druides se partagent la souveraineté avec la classe royale. Les druides s’occupent de la souveraineté spirituelle et le roi de la souveraineté politique. Le druide participe donc aux choses du sacré, conseille le roi mais il peut être aussi guerrier, juge, astrologue et magicien.

Quand entendons-nous parler des druides pour la première fois ?

Les philosophes grecs parlent des druides dès le 3eme siècle avant J-C. Au 1er siècle avant J-C, on écrit beaucoup sur les druides. César, Strabon en ont parlé. Il faut avoir un certain recul par rapport à la description faite par les Romains car les druides étaient leurs ennemis. Ces écrits sont toutefois précieux.

Comment expliquer la disparition des druides ?

Les druides ont disparu à la suite de deux conquêtes. Les druides ont subi tout d’abord la conquête romaine car les druides y étaient opposés. Les édits de Claude et Tibère au 1er siècle avant J-C interdisent les druides. Le druidisme s’est par la suite maintenu en Irlande et en Écosse jusqu’au 5ème siècle. La christianisation a alors eu raison des derniers druides.

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