Gérald Papy

« Mais quel est donc ce populisme que l’on nous sert à toutes les sauces ? »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

On ne parle que de lui. Mark Rutte aurait terrassé sa  » mauvaise variante  » incarnée aux Pays-Bas par Geert Wilders. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon rivaliseraient pour exploiter ses vertus supposées en France. Il aurait permis l’élection du nouveau président des Etats-Unis et serait le carburant des politiques anti-immigration de la Hongrie et de la Pologne. Mais quel est-il, ce populisme que l’on nous sert à toutes les sauces ?

Suffit-il de s’en remettre au peuple, comme l’ont proclamé le socialiste Benoît Hamon lors du premier débat télévisé de la présidentielle ou le républicain François Fillon au plus fort de ses démêlés judiciaires, pour être un populiste ? Existerait-il du reste un populisme  » dangereux  » et un autre  » acceptable  » puisque, somme toute, les politiques, en démocratie, ne devraient-ils pas tous  » prêter attention au peuple  » ?

u0022Il y a ici des dérives, des stratégies, des discours populistes et là, des dangereux populistesu0022

Pour nous éclairer sur cet étiquetage qui relève de l’insulte pour l’un, de la tactique pour l’autre, et de l’idéologie pour le troisième, rien de tel qu’un spécialiste. Jan-Werner Müller est professeur de théorie politique à l’université de Princeton, aux Etats-Unis. Il publie Qu’est-ce que le populisme ? Définir enfin la menace (éd. Premier parallèle) et analyse parfaitement les ressorts de ce  » moment populiste  » que certains décrivent comme sans précédent mais que lui ne juge pas si inédit.

Plusieurs caractéristiques consacrent le  » vrai  » populisme. Les populistes revendiquent le monopole de la représentation du peuple, conçu comme  » une entité morale indiscutable « . Ils font de la critique des élites un leitmotiv censé pérenniser leur proximité avec les gens d’en bas. Ils sont les seuls à  » identifier l’authentique volonté du peuple et à la mettre en application selon la logique d’un mandat impératif « , raison pour laquelle ils s’opposent aux corps intermédiaires. A cette aune, ils sont les tenants d’un antipluralisme qui se manifeste surtout une fois arrivés au pouvoir.  » Trois aspects de cet antipluralisme réellement mis en pratique se détachent tout particulièrement, observe Jan-Werner Müller : la volonté de s’accaparer la totalité des rouages de l’Etat ; la stratégie consistant à s’attirer la loyauté du peuple en pratiquant un clientélisme de masse ; l’hostilité active à l’encontre de la société civile et, notamment, des médias.  » Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, son homologue polonais Jaroslaw Kaczynski ou le président turc Recep Tayyip Erdogan ont suivi scrupuleusement ce chemin pavé des pires intentions.

Nationalistes, islamistes, ceux-là occupent la droite de la sphère politique. Depuis quelques années, des penseurs et des dirigeants de gauche prônent, eux aussi, le recours au populisme. La philosophe Chantal Mouffe, originaire de Charleroi, le défend comme  » une dimension nécessaire de la démocratie  » (lire Le Vif/L’Express du 22 avril 2016). Elle défilait au bras de Jean-Luc Mélenchon lors du grand rassemblement de La France insoumise, place de la République, à Paris, le 18 mars. Mais dans son entendement, le populisme doit engendrer  » un mouvement qui « crée » un peuple pour contribuer à un approfondissement de la démocratie « . Cette conception relève-t-elle de la nomenclature définie par Jan-Werner Müller ? Pas sûr. On parlera donc ici de dérives, de stratégies ou de discours populistes et là, dans le chef de Viktor Orban, Donald Trump, Geert Wilders ou Marine Le Pen, qui ne cessent d’attiser les haines et les peurs pour accéder ou se maintenir au pouvoir, de dangereux populistes.

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