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Macron veut proposer un projet pour « transformer la France »

Le Vif

L’Elysée a confirmé mardi après-midi la démission du ministre de l’Economie Emmanuel Macron. Le président français François Hollande a nommé Michel Sapin ministre de l’Économie et des Finances.

Emmanuel Macron, ministre français de l’Economie démissionnaire, a affirmé mardi vouloir « construire un projet » pour « transformer la France dès l’année prochaine », sans aller toutefois jusqu’à se déclarer candidat à l’élection présidentielle de 2017.

« Notre pays mérite de prendre pour lui des risques (…) Je suis déterminé à tout faire pour que nos valeurs, nos idées, notre action puissent transformer la France dès l’année prochaine », a-t-il dit dans une déclaration devant la presse, peu après l’annonce de son départ.

Dans notre pays, « le seul moment où les débats nécessaires pour décider ces transformations peuvent utilement avoir lieu sont les campagnes présidentielles », a expliqué le ministre, âgé de 38 ans.

Trublion de la vie politique française, Emmanuel Macron a annoncé sa démission à moins de huit mois de l’élection présidentielle, alors que des doutes planent sur la capacité du président socialiste François Hollande, très impopulaire, à se représenter.

Tout en remerciant le président français de lui « avoir fait confiance » en le nommant au gouvernement, Emmanuel Macron a semblé tourner une page en se disant « convaincu que les Français rendront justice à François Hollande d’avoir fait face à des difficultés exceptionnelles ».

« Etre libre »

Le ministre, qui n’est pas membre du parti socialiste, a souligné avoir « touché du doigt les limites » du système politique français et affiché sa volonté de rassembler au delà du traditionnel clivage droite-gauche et chez les déçus de la politique.

Cette démission a été « longuement mûrie », a ajouté Emmanuel Macron, qui dit avoir fait « le choix de prendre (ses) responsabilités » pour « être libre ».

Evoquant « une nouvelle étape qui commence », il a annoncé qu’il présenterait fin septembre « le diagnostic de la France construit avec des dizaines de milliers de Français » de son mouvement politique « En Marche! ».

« Je proposerai ensuite des actions en profondeur et en cohérence avec la vision que nous portons », a conclu Emmanuel Macron, en promettant « un projet ancré dans le réel, exigeant, redonnant à la France sa place ».

Ancien secrétaire général adjoint et conseiller économique de François Hollande à l’Elysée, M. Macron a été nommé ministre de l’Économie et du Numérique en août 2014. En avril, il a créé son propre mouvement politique, « En Marche », avec notamment un meeting parisien le 12 juillet au cours duquel il avait promis à ses soutiens « la victoire » en 2017. En mai, l’un de ses principaux soutiens, le sénateur-maire de Lyon (centre-est) Gérard Collomb avait déclaré que M. Macron serait « naturellement » candidat à l’Elysée en 2017 si François Hollande, très impopulaire depuis son élection en 2012, ne remontait pas dans les sondages.

Emmanuel Macron, un ambitieux clivant qui rêve de rassembler la France

Qui connaissait Emmanuel Macron il y a deux ans? Ministre français de l’Economie depuis août 2014, le jeune ambitieux dont les prises de position iconoclastes ont vite irrité ses collègues rêve aujourd’hui de la plus haute marche, la présidence de la République.

Ancien haut fonctionnaire formé aux écoles de l’élite, ex-banquier d’affaires, cet homme de convictions âgé de 38 ans doit sa carrière gouvernementale au président socialiste François Hollande qui en avait fait une pièce maitresse de l’exécutif.

Mais il semble aujourd’hui échapper à son pygmalion. A moins que, suprême habilité, les deux hommes ne soient de mèche, pour aller chercher des électeurs éloignés des appareils politiques, sussurent certains stratèges en chambre.

Derrière sa façade lisse et son physique de gendre idéal, Emmanuel Macron cache une personnalité atypique. Politiquement, il n’entre dans aucune case, même si son modèle a été l’ancien Premier ministre socialiste (1988-1991) Michel Rocard, l’homme de la « deuxième gauche » inspirée du modèle scandinave, décédé récemment.

Il n’a pas hésité à remettre en cause les fondamentaux d’une gauche française encore largement influencée par une vision marxiste de l’économie et méfiante à l’égard des entreprises.

‘Tractopelle’

Avant même son arrivée au gouvernement, il avait défendu la possibilité, pour les entreprises, de déroger à la loi sur la limitation du temps de travail à 35 heures hebdomadaires adoptée par un précédent gouvernement socialiste en 1998.

« Je suis de gauche, j’assume d’où je viens. Mais je veux fonder une offre politique progressiste, car le vrai clivage aujourd’hui, il est entre les progressistes et les conservateurs, plus qu’entre la gauche et la droite », défend-il.

Il a donné son nom à une loi promulguée en août 2015 destinée à libéraliser certains secteurs d’activité (transports routiers, notaires, ouverture de certains commerces le dimanche, etc), mais le Premier ministre Manuel Valls ne lui a pas laissé les mains libres pour en conduire une seconde plus ambitieuse, dans la même tonalité libérale.

Le député communiste André Chassaigne a comparé Emmanuel Macron à « une tractopelle » qui « sous un aspect très gentil, très policé, démolit beaucoup de choses ».

Ovni dans le monde politique, il n’a jamais eu de mandat électif et n’en possède pas les codes de langage, d’où des déclarations parfois maladroites ou provocatrices.

Son langage passe mal auprès des couches populaires. A peine ministre, Il a dû s’excuser pour avoir déclaré que « beaucoup » d’ouvrières réduites au chômage par la fermeture de leur usine étaient « illettrées ». En mai dernier, interpellé par des grévistes en tee-shirt qui lui reprochaient son costume, il avait répliqué, « la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler ».

L’homme est « beaucoup plus complexe que ce qu’on pense, ce n’est pas un libéral échevelé, à tout crin », a nuancé un de ses collègues du gouvernement, Thierry Mandon.

Tous ceux qui ont voulu dresser son portrait se sont heurtés à cette complexité. Etudiant, il était déjà « brillant et charismatique », « beau parleur », avec « un profil à la Barack Obama », a témoigné le député de droite Julien Aubert, un de ses anciens condisciples au sein de la prestigieuse Ecole nationale d’administration (ENA).

Son épouse, son ancien professeur de français de vingt ans son aîné, a confié à l’hebdomadaire Paris Match « l’ascendant » que ce brillant élève d’un lycée privé d’Amiens (nord) avait sur son entourage. « A 17 ans, Emmanuel m’a déclaré : +Quoi que vous fassiez, je vous épouserai !+ », a-t-elle raconté.

La politique n’est venue que tardivement dans le parcours d’Emmanuel Macron. Passionné de philosophie et de littérature, il s’est d’abord rêvé un destin d’écrivain -il garde dans ses tiroirs un roman d’amour-, mais confie aujourd’hui qu’écrire est « plus dur » que faire de la politique.

Après sa sortie de l’ENA en 2004, il a travaillé avec l’économiste Jacques Attali, qui voit en lui « l’étoffe d’un président de la République ».

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