Gérald Papy

Macron, fais pas le con !

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

A trop imaginer avoir course gagnée comme il en a donné l’impression dimanche soir, le candidat d’En marche ! s’expose et expose la France à un réveil douloureux. Si pas au second tour, en tout cas au terme de son éventuel mandat.

En quelques images dimanche soir, Emmanuel Macron, brillant vainqueur du premier tour de la présidentielle, a révélé quel serait son principal ennemi pour la deuxième manche et au-delà si affinités : lui-même. V de la victoire juché à l’arrière de son véhicule, bain de foule avec son épouse Brigitte, photos furtives derrière les vitres d’un restaurant parisien, escouade de photographes à moto derrière son véhicule dans les rues de la capitale : Emmanuel Macron se croyait déjà hier soir sur le perron de l’Elysée. Difficile d’évaluer la part de responsabilité du candidat lui-même, de l’équipe de ses communicants ou des responsables des chaînes de télévision dans ce barnum pour le moins hâtif. Il n’empêche que cette peopolisation en marche dégageait un sentiment d’arrogance mal venu alors même que le second tour n’est pas joué et que trop de Français ont dit par leur vote qu’ils s’estimaient ignorés par une élite hors sol. Dans un parcours politique aussi fulgurant qu’exceptionnel, dans une campagne quasi sans couac, la mise en scène de dimanche soir était une faute de communication.

Sans doute, cette mauvaise entame de l’entre-deux tours ne portera-t-elle pas à conséquence, estimeront la plupart des observateurs. Peut-être apparaîtra-t-elle même comme relativement anodine. Somme toute, le candidat d’En marche ! est donné vainqueur du second tour par tous les instituts de sondage. Il n’empêche, l’écart au soir du 7 mai n’aura rien à voir avec celui qui sépara Jacques Chirac de Jean-Marie Le Pen lors de la présidentielle de 2002 et Marine Le Pen peut tabler, malgré un front républicain presque retrouvé dimanche soir à l’exception notable de Jean-Luc Mélenchon, sur des réserves de voix à droite et à…l’extrême gauche. Plus maligne aussi, Marine Le Pen a fait savoir dès le résultat du premier tour connu qu’elle ajoutait une visite de terrain ce lundi à son programme de campagne…

Il ne faudrait pas négliger de surcroît ce que cet épisode dit aussi d’Emmanuel Macron. On a vu dès dimanche soir que le second tour allait se jouer entre « la vraie alternance » de Marine Le Pen et « la véritable alternance » d’Emmanuel Macron, entre le changement annoncé par l’une et le renouveau promis par l’autre, bref au-delà de l’inévitable bouleversement du 7 mai, entre une France qui renforce ses frontières et lutte contre la mondialisation et une France qui tente de profiter au maximum des bienfaits de celle-ci et qui rayonne par son ouverture. A cette aune, le leader d’En marche ! est investi depuis hier soir d’une immense responsabilité. Et même si son discours a eu quelques accents nouveaux (les félicitations à ses adversaires, la répétition du souci exprimé de protéger les Français, la formule du « président des patriotes face à la menace des nationalistes »…), Emmanuel Macron n’a pas su exprimer la gravité que la situation historique requérait. Ce n’est peut-être qu’une erreur de communication. Mais c’est peut-être aussi inquiétant, en regard de l’espoir qu’il suscite auprès de millions de Français, par rapport aux enjeux pour la France et pour l’Europe s’il devient le prochain président de la République. S’il n’arrive pas à se mettre aussi à l’écoute des Français qui ont exprimé leur exaspération face à la mondialisation en votant Front national, ce que sa posture empreinte de suffisance dimanche soir a laissé augurer, il n’aura fait que retarder l’échéance avant le grand basculement avec… Marine Le Pen.

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