Jacques De Decker

« Macron, ce bleu blanc-bec »

Le quinquennat du président sortant se termine sur une énigme. En tout cas, après ces présidentielles, tout devra se jouer aux législatives, où la politique devra être ramenée sur terre et qu’elles se hâtent de remodeler rôle du président, comme à l’allemande ou à l’italienen.

Il eut droit à sa traversée d’un tronçon de Paris dans une limousine ministérielle escortée de motards de police et de télévision, quatre kilomètres de gloire médiatique et sécuritaire qui le menèrent jusqu’au lieu de sa profession de foi, où il s’acquitta d’un discours qui alignait les formules creuses, prélevées dans les exercices similaires au petit bonheur, prononcées d’une voix presque blanche que n’excusait même pas l’émotion, puisqu’il semblait que le gringalet perché sur cette estrade ne recueillait que le fruit de ce qui lui semblait dû de toute éternité. Etrange sensation de révélation d’un manque, d’une illusion qui, brutalement, avouait une redoutable vacuité.

L’un de ses rivaux l’avait pris de vitesse. Il avait choisi pour lieu de son bilan une taverne branchée. L’oeil sévère, lui qui l’avait eu, au cours de ses meetings déjà gravés dans les mémoires, pétillant et si percutant, la voix presque éteinte, elle qui avait pourtant su galvaniser les foules, dos au port de Marseille notamment, comme un sermonneur porteur de vérité, il a simplement laissé entendre qu’à l’heure qu’il était, ceux qui l’avaient déjà enterré triomphaient peut-être trop vite. Mais voilà : lorsque l’instantané fait la loi, on ne sait plus ce qu’est la sagesse de la longueur de temps.

u0022Tout devra se jouer aux législatives… Et qu’on ramène la politique sur terre, dont elle n’aurait jamais dû décolleru0022

Le troisième protagoniste, celui qui, lors de sa victoire à la primaire de la droite, avait parlé la main sur le coeur, ignorant encore le calvaire qui lui serait réservé, s’était, impavide, acquitté d’une intervention où la dignité le disputait au classicisme, en grand professionnel obstiné qu’il n’avait cessé d’être tout au long d’une campagne apparemment imperturbable, malgré les chausse-trapes semées sur sa route. Personnage double, trop humain en ce sens, pécheur croyant à sa rédemption, il mordait la poussière avec quelque chose qu’on a encore le droit d’appeler de la grandeur.

N’oublions pas la seule dame de ce carré d’as. Elle jubilait vraiment, sachant pertinemment qu’il ne lui restait plus qu’à achever le travail. Face au seul rival qui aurait pu, comme elle, se réclamer du peuple, avec une éloquence et une intelligence dont elle n’est pas pourvue, c’eût été bien plus ardu. Face au vétéran, elle n’aurait même pas pu se draper dans un semblant de vertu, elle qui en a au moins autant sur les cornes que lui, qui était au demeurant assuré d’un rassemblement à la mode chiraquienne contre elle. Mais cette fois, rien de plus faisable que de renvoyer son adversaire à ses études.

Tout ça pour ça. Le quinquennat que le brave et duplice président sortant de son propre gré – alors qu’il était entré dans la course suite au sordide  » dérapage  » d’un autre – s’achève sur une énigme. Tout devra se jouer aux législatives. Qu’elles se hâtent de modeler un nouveau rôle présidentiel, à l’allemande, à l’italienne. Et qu’on ramène la politique sur terre, dont elle n’aurait jamais dû décoller. Pays expérimental par excellence, théâtre d’innovations politiques théoriques ou pratiques, la France en est bien capable.

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