Jules César, musée d'Arles, buste en marbre découvert en 2007 dans le Rhône. © IRPA. Musée Arles Antique (Wikicommons)

Luc Long, l’étonnant destin de celui qui découvrit Jules César

Le Vif

Pendant longtemps, Luc Long, l’un des pionniers de l’archéologie sous-marine, a été à l’origine de « superbes découvertes » dans le Rhône et la Méditerranée « qui n’intéressaient personne ». Mais en 2007, cet Arlésien a mis la main, dans les eaux troubles du fleuve, sur l’un des rares bustes de César sculptés de son vivant.

Cette découverte a fait la une des journaux du monde entier. « Ca m’a totalement dépassé », admet-il. Avant de sortir ce buste en marbre daté de 46 avant J.-C. des eaux noires du Rhône, ce plongeur professionnel émérite, conservateur en chef du patrimoine, avait pourtant à son actif 20 ans de fouilles dans ces eaux tumultueuses et polluées « où on ne voit pas à plus de 30 cm ».

Né à Marseille en 1953 d’un père gérant de banque et d’une mère employée des postes, Luc Long y passe sa jeunesse avant de déménager à 16 ans à Arles où il vit encore aujourd’hui. « Je suis un peu Marseillais, un peu Arlésien. C’est pour ça que je suis partagé dans le conflit entre César et Pompée », explique-t-il, Marseille ayant choisi le parti de Pompée quand Arles a soutenu César pendant la guerre civile qui les a opposés. De sa jeunesse marseillaise, cet homme au visage juvénile et aux cheveux en bataille à peine grisonnants garde le goût de la plongée qu’il pratique dès le plus jeune âge sur la Côte bleue, au nord de la ville.

Arles, « cité de pierres », lui a « transmis le virus de l’archéologie ». Devenu père très jeune, Luc Long cumule petits boulots et cours d’histoire à la fac d’Aix-en-Provence. Conscient que l’archéologie « offre peu de débouchés », il comprend qu’il faut « des compétences diversifiées » et fait de la plongée un atout professionnel.

Son mémoire de maîtrise est son premier fait d’armes: en reprenant les carnets de fouilles de l’épave, proche de Marseille, du Grand Congloué, menées en 1952 par le commandant Cousteau et l’archéologue Fernand Benoit, il démontre qu’il n’y a pas une mais deux épaves l’une sur l’autre.

Jalousies

Il est embauché en 1979 au Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm) avant de réussir – major – le concours externe de conservateur du patrimoine en 1982.

En 1986, un ami plongeur arlésien le tire vers le Rhône. « Je le suis, je n’y vois rien. On est en novembre, il fait 8°C, des algues brunes me lèchent le masque (…). On est à 10 m de profondeur.(…) je tombe sur un champ d’amphores gauloises », raconte-t-il en parlant avec un débit de mitraillette qui transpire la passion et l’accent arlésien. « J’ai compris que c’était foutu, que j’allais passer ma vie dans cette eau-là, moi qui aime les eaux claires ».

Il en extrait à partir de 1989 de nombreuses pièces exceptionnelles. Outre César, une barge romaine complète de 31 m de long trône désormais au musée d’Arles antique, où Luc Long semble chez lui.

Ses compétences techniques le conduisent sur d’autres fouilles: l’avion de Saint-Exupéry ou la grotte paléolithique Cosquer, accessible seulement par un boyau immergé de 175 m de long près de Cassis.

De la découverte de César – alors qu’il était sur le point d’arrêter les recherches dans le Rhône -, il dit que « c’est à la fois une consécration dans la recherche, mais aussi le début des emmerdes ».

Dans les mois qui suivent, les Arlésiens le « remercient » régulièrement dans la rue. Lui qui a « passé beaucoup de temps à l’étranger » s’émerveille d’avoir « fait (s)es plus belles découvertes devant (s)a fenêtre ».

Mais le buste de César, dont une réplique en résine trône au-dessus de sa cheminée, a aussi créé jalousies et conflits. Et paradoxalement, il a de plus en plus de mal à financer ses campagnes de fouilles qui ne se font désormais que grâce au mécénat.

Début mai, comme tous les ans pendant trois mois, ce père de trois enfants, contrebassiste à ses heures perdues dans un groupe de « country swing », a pourtant démarré une nouvelle campagne. Parmi ses nouveaux terrains de jeu, l’avant-port antique d’Arles, au large des Saintes-Maries-de-la-Mer, dont il rêve de découvrir le temple d’Artémis.

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