© REUTERS

Liu Xia: la poétesse apolitique devenue femme de dissident

Le Vif

Lorsque son mari Liu Xiaobo, militant des droits de l’homme, a été récompensé par le prix Nobel de la paix en 2010, Liu Xia exultait.

« Je suis tellement enthousiaste, tellement enthousiaste, je ne sais pas quoi dire », avait confié à l’AFP par téléphone la poétesse et peintre, en octobre 2017.

Liu Xia avait alors remercié « tous ces gens qui ont soutenu Liu Xiaobo » et « demandé avec vigueur » au gouvernement chinois de relâcher le dissident, décédé d’un cancer du foie jeudi au terme de plus de huit années de détention. Il purgeait une peine de 11 ans de prison pour « subversion » après avoir appelé à des réformes démocratiques.

Il y a environ sept ans, ni Liu Xia ni les soutiens de son mari n’imaginaient les répercussions que ce prix Nobel aurait pu avoir sur elle, artiste et écrivain qui ne s’était jamais considérée comme politisée. Inébranlable supportrice de son mari, elle ne s’était toutefois jamais activement impliquée dans ses campagnes.

Peu après l’attribution du prix Nobel à son mari incarcéré, Liu Xia avait été placée aux arrêts domiciliaires dans son appartement de Pékin, sous surveillance stricte, et n’était qu’exceptionnellement autorisée à rendre visite à son époux en prison ou à ses parents.

Après son transfert à l’hôpital il y a un mois, pour raisons médicales, le dissident avait demandé à recevoir des soins à l’étranger. Un souhait dont ses proches estimaient qu’il était en réalité formulé pour le bien de sa femme, mais qui ne s’est jamais réalisé.

« S’il ne sort pas maintenant, il n’aura alors aucun moyen d’obtenir la liberté pour son épouse bien-aimée », avait précisé à l’AFP Ye Du, un autre dissident chinois et proche de la famille, lors du traitement de Liu Xiaobo.

Amour de la littérature

Le couple s’était rencontré dans les années 1980, elle jeune poétesse, peintre et photographe; lui, intellectuel, unis par un amour commun de la littérature.

« Elle n’était pas dans notre groupe de dissidents », a assuré à l’AFP Hu Jia, militant basé à Pékin et ami du couple. « Lorsque je rendais visite à Liu Xiaobo, elle ne voulait pas prendre part à nos discussions politiques ».

Les soutiens du couple répétaient que Liu Xia n’était coupable de rien d’autre que du « crime » d’être la femme de Liu Xiaobo.

« Je veux épouser cet ennemi de l’Etat! » avait déclaré Liu Xia, peu de temps avant leur mariage en 1996, d’après Yu Jie, auteur d’une biographie du dissident.

Liu Xiaobo déplorait quant à lui que sa femme soit privée de sa liberté de mouvement. Dépressive, souffrant de problèmes cardiaques, Liu Xia, 56 ans, voyait presque tous les amis qui tentaient de lui rendre visite refoulés par les gardes postés en permanence devant chez elle.

« Mon amour pour toi est si lourd de remords et regrets qu’il me fait parfois crouler sous son poids », avait dit Liu Xiaobo à sa femme dans l’une de ses dernières déclarations publiques.

Au début de son assignation à résidence, Liu Xia postait régulièrement des nouvelles sur Twitter pour ses amis inquiets. Souvent ironiques, ses messages viraient parfois à la mélancolie. « Pourquoi devons nous vivre ce genre de vie? » écrivait-elle ainsi le 16 juin 2010.

D’après le médecin responsable du traitement de Liu Xiaobo, les dernières paroles prononcées par l’opposant à l’intention de sa femme ont été: « vis bien ».

Le lieu de résidence, tout comme la liberté de celle-ci, reste toutefois incertain.

A l’issue du décès du dissident, les Etats-Unis et l’Union européenne ont appelé Pékin à la libération de Liu Xia et à la laisser quitter la Chine si celle-ci le souhaite.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire