Licio Gelli en 1996. © Belga

Licio Gelli, une des figures les plus troubles de l’Italie, emporte ses secrets dans sa tombe

Le Vif

Licio Gelli, décédé mardi soir à l’âge de 96 ans, est l’un des personnages les plus troubles de l’Italie contemporaine, dont le nom apparaît dans presque tous les scandales qui ont ébranlé la péninsule au cours des trente dernières années.

C’est en 1981 que les Italiens découvrent ce petit homme passe-muraille, aux cheveux gris et aux fines lunettes, après la saisie, dans sa villa toscane, d’une liste de 962 noms. L’existence de la loge maçonnique P2 (Propaganda Due), influent réseau d’hommes politiques, de magistrats, de financiers ou de militaires, dont Gelli est le Grand maître, est révélée au grand jour, à la grande stupeur des Italiens.

Au fil d’une enquête qui durera 13 ans, la loge P2 -interdite en 1981-, et le nom de Gelli apparaîtront peu ou prou dans tous les scandales des 30 dernières années: le krach de la banque Banco Ambrosiano, dont le président, Roberto Calvi, membre de la P2, fut retrouvé pendu sous un pont de Londres en 1982, Tangentopoli (affaires de pots de vin) ou l’existence d’une structure paramilitaire secrète anticommuniste, Gladio.

Les membres de la P2, dont l’ancien chef du gouvernement Silvio Berlusconi, seront toutefois blanchis en 1994 des accusations de conspiration politique et de tentative de déstabilisation de l’Etat.

– En cavale –

Dès 1981, Gelli prend la fuite. Arrêté en 1982 à Genève, il s’évadera un an plus tard de la prison suisse de Champ Dollon.

En cavale jusqu’en septembre 87, il se constitue prisonnier en Suisse, qui accepte de l’extrader mais uniquement sur les motifs de délits financiers.

En 1992, il est condamné en Italie à 18 ans et 6 mois pour banqueroute frauduleuse dans l’affaire du Banco Ambrosiano. Sa peine sera réduite en appel.

Deux ans plus tard, il est lavé des accusations de tentative de déstabilisation, mais écope de 17 ans de prison pour calomnie, délits financiers et détention de documents secrets.

Et en avril 1998, lorsque la Cour de cassation confirme la peine de 12 ans de prison à son encontre pour le krach de la krack Ambrosiano, Gelli, qui bénéficiait d’un régime de liberté surveillée dans sa villa d’Arezzo en Toscane, prend de nouveau la fuite, avant d’être arrêté à Cannes (France) quatre mois plus tard.

Il vivait depuis cette date aux arrêts domiciliaires, dans sa villa toscane où la police italienne avait retrouvé en 1982, lors d’une perquisition, 179 lingots d’or d’un poids total de 168 kg dont la provenance n’a jamais été établie avec certitude.

– Aux côtés des franquistes –

Né le 21 avril 1919 à Pistoia, en Toscane, Licio Gelli avait fait ses premiers pas politiques au côté des fascistes. Volontaire en Espagne pour combattre aux côtés des franquistes, il avait été reçu à son retour en Italie par Mussolini.

Mais, à la veille de la Libération, Gelli, déjà maître dans l’art de ménager ses arrières, aide les partisans italiens en Toscane et s’attire la bienveillance de responsables locaux communistes.

Après guerre toutefois, il était retourné à ses premières amours en adhérant au Mouvement social italien (MSI, néo-fasciste). Un moment exilé en Argentine, il se lie avec le général Juan Domingo Peron, devenu président en 1946. Ce qui ne l’empêchera pas de nouer de bonnes relations dans les années 70 avec les militaires putschistes qui renversent en 1976 la troisième épouse de Peron, Isabel Martinez de Peron, devenue présidente à la mort de son mari deux ans plus tôt.

Selon la presse italienne, il aurait également travaillé pour les services secrets américains, la CIA, dans les années suivant la Seconde guerre mondiale, mais aucune confirmation n’a jamais pu être obtenue.

Entré dans la franc-maçonnerie dans les années 1960, il intègre la loge P2 en 1970, qui va peu à peu infiltrer tous les rouages de l’Etat et de la société, et sur laquelle toute la lumière n’a jamais été faite.

Soupçonné d’avoir également trempé dans les affaires de terrorisme et d’extrême-droite, il a été accusé d’avoir financé certains attentats dans les années 70. Mais faute de preuves, il n’a jamais été condamné. La justice italienne a ouvert des dizaines d’enquêtes à son encontre, y compris pour association avec la mafia, mais le « vénérable », acquitté à de nombreuses reprises a finalement emporté la plupart de ses secrets dans sa tombe.

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