© REUTERS Youssef Boudlal

Libye : nouvelle bavure de l’Otan à Brega

Le 2 avril, un premier raid aérien fait une dizaine de morts. Ce mercredi, deux rebelles et un civil ont été tués. L’Otan est de plus en plus critiquée sur le terrain.

Au moins deux rebelles et un médecin ont été tués ce jeudi par un raid aérien dans la région de Brega, théâtre de combats entre insurgés et forces du colonel Mouammar Kadhafi. A l’étranger les inquiétudes grandissent quant au risque d’un enlisement du conflit.

Selon des sources hospitalières et des témoins joints par l’AFP, des avions de l’Otan ont ouvert le feu sur des chars à l’est du site pétrolier de Brega (est). Bilan: deux soldats et deux médecins, ainsi que 14 blessés et six portés disparus, selon le chef d’état-major des insurgés.

L’Otan regrette vivement

Le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a exprimé ses vifs regrets pour les morts causées. « C’est un incident très malheureux » et « je regrette vivement les morts » qu’il a occasionnées, a déclaré M. Rasmussen.

Un peu plus tôt, le commandant en chef adjoint de l’opération « Unified Protector » dirigée par l’OTAN, le contre-amiral britannique Russel Harding, avait refusé de présenter des excuses au nom de l’OTAN, jugeant que l’Alliance ne pouvait être considérée comme responsable de la méprise.

« Nous n’étions pas informés (du fait) que les forces du CNT (Conseil national de transition) faisaient usage de chars », avait-il argué.

Ces raids seraient « l’oeuvre de l’Otan »

Selon ce général, l’attaque « semble avoir été l’oeuvre de l’Otan ». « Si ce raid a été mené par l’Otan, c’est une erreur », a-t-il ajouté. « S’il est le fait de l’armée de Kadhafi, c’est une erreur encore pire, car nous sommes censés être protégés de cela par une zone d’exclusion aérienne ».

Dans la soirée, le porte-parole du régime a confirmé que ces « raids intensifs » provenaient des avions de l’Otan. L’organisation a assuré qu’elle enquêtait sur ces nouvelles allégations de bavure. L’Alliance atlantique a déjà refusé de s’excuser, arguant qu’elle n’était « pas informée que les forces de (la rébellion) faisaient usage de chars ».

Au même endroit, des éclats d’obus sur une ambulance ont tué un infirmier et blessé deux autres, selon un médecin qui a assisté au raid. « La façon dont l’ambulance a été endommagée n’est pas claire, parce qu’au même moment les forces de Kadhafi tiraient des roquettes Grad sur les rebelles », a-t-il souligné.

Les insurgés, déjà furieux contre l’Alliance atlantique qu’ils accusent de ne pas assez les aider, ont laissé éclater leur colère. « Au lieu d’attaquer Kadhafi, ils nous attaquent. Qu’est-ce qui ne va pas avec nos amis les Etats-Unis et le Royaume Uni », s’interroge Souleimane Rifadi, un volontaire à l’hôpital d’Ajdabiya, à 80 km à l’est de Brega.

En parallèle des raids aériens, des affrontements entre rebelles et forces loyales se concentraient ce jeudi aux abords de la ville, selon un porte-parole des insurgés ajoutant que les rebelles contrôlaient toujours le centre-ville. C’est dans cette région de l’Est libyen que se situe depuis une semaine la ligne de front entre forces loyalistes et rebelles, qui avancent et reculent au gré des frappes aériennes.

Coopération renforcée entre l’Otan et les rebelles sur fond d’enlisement

Le risque d’un enlisement se précise en Libye, favorisé par les limites fixées à l’intervention de l’Otan, la désorganisation persistante de rebelles mal armés et la résistance du régime de Kadhafi. A Washington, le commandant des forces américaines pour l’Afrique, estime qu’il était peu probable que les rebelles parviennent à lancer un assaut sur Tripoli pour renverser le colonel Kadhafi.

Le porte-parole de l’état-major des armées françaises, le colonel Thierry Burckhard, a reconnu que la situation était « complexe ». Les forces pro-Kadhafi ont « modifié leur mode d’action » en réponse aux frappes de la coalition internationale: pick-up remplaçant les blindés, « imbrication » dans la population civile. Pour dénouer cette crise, Paris a fait du départ de Kadhafi le préalable à toute solution politique, comme Washington la veille.

« Les choses vont dans la bonne direction » quant au « respect des droits de l’Homme et [à] la tentative de créer une transition démocratique incluant » toutes les composantes politiques, assure pourtant un porte-parole de la diplomatie américaine. Il se dit « encouragé » par les déclarations publiques et privées des rebelles. De plus, les alliés occidentaux seraient en train d’établir un système de communication entre le commandement militaire des rebelles et l’Otan, affirment encore des sources impliquées dans la discussion entre Otan et rebelles et s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.

La situation humanitaire pousse l’Union européenne et l’ONU à agir

A Misrata, pilonnée sans relâche depuis un mois et demi par l’armée régulière, la situation humanitaire est préoccupante. Elle fait l’objet de toutes les attentions de la communauté internationale.

Emboîtant le pas à l’Otan, qui a fait de Misrata sa « priorité numéro un », l’ONU a appelé à un arrêt des hostilités autour de la ville, la troisième du pays. Rebelles et humanitaires alertent depuis des semaines la communauté internationale sur le sort des quelque 300 000 habitants de cette ville dont plusieurs centaines ont été tués ou blessés par les combats selon eux.

Misrata a reçu une bouffée d’oxygène ce jeudi: le Programme alimentaire mondial (PAM) a envoyé un bateau chargé d’aide, vivres, médicaments et médecins jusqu’à Misrata.

Le Vif.be, avec L’Express.fret Belga

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