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Libye, chapitre final pour la diplomatie occidentale

Intervention militaire ou forcing diplomatique, que décideront les Nations Unies ? Les accusations de fermer la porte au peuple libyen pèsent sur la communauté internationale. Voici quelques scénarios possibles sur la fin d’une guerre civile qui a dévoré l’espoir d’une révolution.

Certains, comme Guy Verhofstadt, craignent une nouvelle « page noire » pour la communauté internationale, et en particulier pour l’Europe. Ce qui est certain, c’est que le ballet diplomatique des Nations Unies a tardé, jusqu’ici, à aboutir à des conclusions concrètes sur le cas de la Libye. Une décision cruciale du Conseil de sécurité de l’ONU doit pourtant tomber dans les prochaines heures.

La tension monte au moment où les forces de Kadhafi ont presque repris possession du pays, qui est encore le théâtre, aujourd’hui, d’une violente bataille aux portes de Benghazi. Les partisans d’une intervention en Libye se disent pourtant convaincus qu’ « il n’est pas encore trop tard » pour agir, comme le ministre français des affaires étrangères Alain Juppé le rappelait encore hier.

Sur la base de la résolution 1970 du Conseil de sécurité de l’ONU, les seules mesures prises jusqu’ici sont des sanctions contre Mouammar Kadhafi et 25 de ses proches. Maintenant, il est question de la mise en place d’une « no fly zone », soit une interdiction de survol de l’espace aérien libyen.


Une zone d’exclusion aérienne, est-ce un acte de guerre ? L’éventualité d’un blocage aérien qui empêcherait Kadhafi de bombarder les rebelles, sur lequel le Conseil de sécurité de l’ONU se penchera ce soir, ne fait pas l’unanimité. Le front du « non », représenté notamment par la Russie et la Chine au sein du Conseil de sécurité, l’Allemagne, l’Italie et la Turquie en Europe, considère une zone d’exclusion aérienne comme un véritable acte de guerre contre la Libye.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, estime que ce serait entrer dans un engrenage dangereux. « On ne veut pas se retrouver liés à une guerre en Afrique du Nord » a-t-il expliqué. « Qu’est-ce qui se passe si une no-fly zone, une intervention militaire n’est pas efficace ? Est-ce que l’étape suivante est une « no-drive zone » ? Est-ce que l’on va envoyer des forces sur le terrain ? Est-ce que c’est ça la solution ? » tels sont les arguments mis en avant par l’Allemagne.

L’Elysée a d’abord rétorqué que « Nous en avons fait l’expérience avec succès en Irak, en Bosnie, au Kosovo. En Irak, la no fly zone instaurée de 1991 à 2003 a permis d’éviter les agressions de Saddam Hussein contre les Kurdes au Nord et contre la minorité chiite au Sud ». Pourtant, cela n’a pas empêché qu’une guerre éclate plus tard. Egalement, en Bosnie comme au Kosovo, l’exclusion aérienne a été suivie de bombardements et d’opérations au sol.

La Grande-Bretagne et la France, d’abord partisanes de l’exclusion aérienne, ont donc fini par envisager un autre scénario, comme les frappes aériennes, plus ciblées, moins contraignantes, mais avec l’accord de la Ligue arabe. Les chefs d’Etat suivront avec une extrême attention la réunion des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe, qui aura lieu ce samedi au Caire. Un sommet tripartite UE-Ligue Arabe-Union africaine est tout aussi envisagé par le front pro-intervention.

La position des Etats-Unis a aussi évolué au fil des jours. Hier, l’ambassadrice américaine à l’ONU, Susan Rice, a même estimé que le Conseil de sécurité devrait envisager d’aller au-delà d’une simple zone d’exclusion aérienne.


Et si un mandat du Conseil de sécurité fait défaut ? Au-delà du fait qu’une partie de l’Occident, échaudée par l’expérience irakienne, veut à tout prix éviter une intervention sur le terrain, il y a d’autres verrous difficiles à faire sauter, pour que les Nations Unies puissent agir.

Pour rappel, des pays comme la Chine et la Russie ont intérêt à ne pas se mêler de la crise libyenne. Encore lundi dernier, Kadhafi proposait aux compagnies de ces pays d’aller exploiter le pétrole libyen, à la place des firmes occidentales qui se sont retirées.

La Russie, en particulier, rechigne à s’aligner aux mesures envisagées par l’ONU, qui peuvent lui coûter cher. C’est le cas pour le commerce d’armes. Les sanctions de l’ONU visant la Libye vont, en effet, entraîner une perte de 4 milliards de dollars pour la Russie, dont Kadhafi est un des principaux clients arabes.

Si l’on ajoute les intérêts liés au pétrole et l’existence de partenariats très étroits avec le régime du Colonel, comme dans le cas de l’Italie, on comprendra aussi le moment de grave ambigüité vécu par l’Union européenne. L’Italie, qui d’un côté appelle l’Europe à l’aide humanitaire pour faire face aux vagues d’immigrés, a d’un autre côté du mal à prendre position contre Kadhafi, auquel elle est liée par un important accord stipulé en 2008. La Libye, ex-colonie italienne, est le principal partenaire commercial de l’Italie en Afrique.

Si ce soir une décision favorable à une « no fly zone » ne tombe pas aux Nations Unies, le forcing diplomatique ou une intervention unilatérale par certains pays restent les options possibles. Il est pourtant peu probable que l’UE, l’OTAN ou quelques pays européens interviennent sans un accord de l’ONU.

D’ailleurs, insister au niveau diplomatique pour un cessez-le-feu et travailler pour que le sort ultime de Kadhafi soit pris en mains par la Cour pénale internationale, paraît la solution la plus pacifique, mais pas certainement la plus honnête face au peuple libyen, qui a déjà vu s’évaporer toute chance d’une vraie révolution.

Alice Siniscalchi




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