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Libye : ce que veut l’opposition

Le Conseil National de Transition ne veut plus de Kadhafi, mais quelle Libye souhaite-t-il voir émerger? Et qui compose cette instance? Rencontre avec deux de ses représentants.

C’est tout le gratin médiatique et intellectuel qui se serrait lundi sur les chaises de la bibliothèque de l’hotel Raphaël, à Paris, pour entendre et questionner deux éminents représentants du Conseil National de Transition libyen (CNT), l’instance d’opposition à Mouammar Kadhafi.

Bernard-Henri Lévy, confirmant là sa position de leader d’opinion, avait réussi à rassembler tout ce qui compte dans les journaux, les revues, les ONG et le petit monde de la pensée parisienne. Face à deux personnages offrant un bel effet, Ali et Mansour, visiblement instruits, très éduqués et maîtres de leur discours, toutes sortes de questions ont fusé et les réponses ont laissé une impression réelle de démocratie, bien difficile à imaginer au pays de Kadhafi – donc chaleureusement bienvenue. Un sentiment rassurant en est ressorti concernant la suite des évènements, à condition toutefois que ce Conseil National ait enfin son mot à dire concernant l’avenir de la Lbye.

Qui compose ce CNT?

Ce Conseil composé de 31 membres, dont 8 seulement sont connus afin de préserver l’anonymat de ceux qui oeuvrent dans l’ombre dans les zones encore contrôlées par le despote, affirme représenter toutes les régions et tribus, ainsi que toutes les couches sociologiques de la population, et compte en son sein plusieurs femmes. Il se veut instance de transition jusqu’à l’élection du parlement et l’institution d’un Etat démocratique.

« Kadhafi doit partir; y-a-t-il une seule chose qu’il ait faite de bien? » ont asséné les deux représentants du CNT. Ajoutant: « Nous pouvons battre les forces de Kadhafi parce que nous en avons la détermination et que notre peuple aspire profondément à la démocratie. Nous avons les hommes pour mener le combat et reprendre les villes; mais nous manquons d’armement ». Ce qui pose le problème de la 2e phase de l’opération « Aube de l’Odyssée », à savoir l’appui terrestre à apporter aux insurgés en l’absence formelle de troupes occidentales (dont l’intervention est interdite par la résolution 1973 de l’ONU).

Le CNT se montre catégorique sur le degré de motivation du peuple libyen, écartant tout risque de partition du pays. « Nous sommes tous deux issus de tribus traditionnellement alliées à Kadhafi, ont affirmé les deux repésentants du CNT, et pourtant nous sommes engagés contre lui. Ne croyez pas que la Libye soit à ce point tribalisée, elle veut par dessus tout se libérer du tyran ».

Décidément optimistes, les deux hommes ont prétendu que Kadhafi pourrait difficilement tenir plus d’une semaine ou dix jours si les frappes de la coalition se poursuivent à un rythme soutenu. Ils ont insisté sur leur désir le plus profond de libérer eux-mêmes leur pays « sans compter sur d’autres forces que les nôtres » – à condition, évidemment, que les bombardements aériens ne baissent pas en intensité.

Une information importante est ressortie de cette rencontre. L’un de deux représentants a dit et répété combien Kadhafi avait joué et manipulé pour favoriser l’immigration clandestine vers l’Europe de populations sahéliennes en provenance du Tchad, du Mali, du Niger, précisant: « Vous, Européeens, ne savez pas à quel point il a provoqué ces courants migratoires ». Un sujet à approfondir, sans nul doute.

La conclusion, rassurante, est que le CNT s’engage résolument à favoriser l’avènement d’une Libye démocratique. « Nous n’accepterons plus jamais un régime sans démocratie, ni un système dictatorial, ni aucun pouvoir personnel, nous en avons trop souffert. De même nous voulons un Etat laïque », ont martelé les deux représentants. Avant d’exprimer leur gratitude à la France, résumée par ce slogan scandé par les jeunes dans les rues de Benghazi: « One, two, three, Sarkozy! »

Christian Makarian, L’Express.fr

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