Un rapport sur la corruption au sommet de l'Etat a été publié, dénonçant une collusion entre des ministres et la richissime famille d'hommes d'affaires Gupta. © AFP

Les truculentes révélations du rapport sur la corruption en Afrique du Sud

Le Vif

Un rapport sud-africain très attendu sur la corruption au sommet de l’Etat a été publié mercredi, dénonçant une collusion de grande ampleur entre des ministres et la richissime famille d’hommes d’affaires Gupta, le tout sous l’oeil complice du président Jacob Zuma.

– La saga des Finances

En décembre 2015, ce portefeuille ministériel est le théâtre d’un rocambolesque jeu de chaises musicales au coeur duquel la famille Gupta joue un rôle essentiel. Le 9 décembre, Nhlanla Nene, ministre respecté des marchés, est brutalement remplacé par un député inconnu, David Van Rooyen.

Le rapport de la médiatrice révèle qu’avant sa nomination, M. Van Rooyen a visité « sept fois » la résidence privée de la famille d’affaires d’origine indienne, y compris la veille de sa prise de fonctions.

La médiatrice s’appuie sur les coordonnées GPS du portable du député pour retracer une trentaine d’appels qu’il a passés alors depuis le quartier général des Gupta à Johannesburg.

Mais cette nomination crée la panique sur les marchés, la monnaie sud-africaine dévisse: Zuma est forcé de faire marche arrière quatre jours plus tard et remplace finalement M. Van Rooyen par Pravin Gordhan qui a occupé le poste de 2009 à 2014.

Les tentatives de mainmise des Gupta ne s’arrêtent pas là. Mcebisi Jonas, vice-ministre des Finances, affirme avoir été approché à l’époque par les Gupta pour hériter du fameux portefeuille du Trésor. A condition de « travailler avec la famille » d’origine indienne. Jonas décline. L’un des frères Gupta insiste, lui proposant alors « 600 millions de rands » (40 millions d’euros) et lui demande « s’il a un sac » pour transporter immédiatement l’équivalent de 40.000 euros en liquide. Jonas refuse une nouvelle fois et ne sera jamais nommé ministre des Finances.

– Voyage suspect en Suisse

L’empire des Gupta en Afrique du Sud s’étend de l’informatique à l’immobilier mais passe surtout par les mines.

Le rapport de la médiatrice épingle le ministre des Mines, Mosenbezi Zwane, pour un voyage en Suisse, fin 2015, où il accompagnait la famille d’hommes d’affaires.

Ce voyage, destiné à mener une négociation privée pour le rachat d’une mine de charbon sud-africaine par la société Tegeta appartenant aux Gupta, est qualifié par la médiatrice de « contraire aux règles » d’éthique.

Selon le rapport, la conclusion du deal aurait permis à Tegeta, à l’époque largement déficitaire, de récupérer une mine lui permettant de se refaire une santé en vendant exclusivement son charbon à Eskom, le fournisseur public sud-africain d’électricité.

– Entreprises publiques dans le collimateur

A l’heure où un énorme contrat nucléaire est sur la table des négociations en Afrique du Sud, la probité de la compagnie publique d’électricité Eskom est un point essentiel du rapport.

Et ici encore, l’implication de la famille Gupta dans la nomination du patron d’Eskom est soulignée.

Un nom est régulièrement cité, celui de Brian Molefe, PDG d’Eskom depuis avril 2015, dont la relation de « connivence » avec la famille Gupta est épinglée dans le document.

« Il semble que le conseil d’administration à Eskom ait été nommé de manière impropre », assènent les conclusions du rapport.

– Ultimatums à Jacob Zuma

Dans ses recommandations, la médiatrice exhorte le parquet et les « Faucons », l’unité d’élite de la police, d’enquêter sur « les problèmes identifiés dans ce rapport où il semble que des crimes ont été commis ».

Elle donne aussi plusieurs ultimatums au chef de l’Etat: « 30 jours » pour nommer une commission d’enquête présidée par un juge sélectionné uniquement par le premier magistrat du pays, et six mois pour que celle-ci mène à bien son enquête qui sera remise au Parlement. Il reviendra ensuite aux députés de déterminer les responsabilités.

Enfin, la médiatrice insiste sur le fait qu’elle « veillera à l’application » de ces recommandations et somme la présidence et le Parlement de lui « fournir régulièrement des compte-rendu » sur sa mise en oeuvre.

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