drapeaux basque et catalan © ISOPIX

Les stratégies divergentes du Pays Basque et de la Catalogne

Le Vif

Le gouvernement espagnol a échappé à son pire cauchemar: un front commun indépendantiste entre le Pays basque et la Catalogne, les deux riches régions poursuivant des stratégies divergentes.

Le Pays basque, 2,2 millions d’habitants dont environ un quart d’indépendantistes, veut vivre en paix, profitant de l’annonce attendue de la disparition de l’ETA après des décennies d’attentats sanglants. La Catalogne, 7,5 millions d’habitants (16% des Espagnols) dont près de la moitié sont indépendantistes, s’enlise dans la crise politique.

Aujourd’hui, « les intérêts sont très différents. Les uns veulent protéger ce qu’ils ont gagné, les autres (les Catalans) veulent bien plus », résume le politologue Pablo Simon.

– Histoires communes –

Les deux régions se sentaient proches depuis le XIXème siècle, quand y sont nés des mouvements nationalistes portés par leurs élites.

Moteurs industriels de l’Espagne, elles observaient avec distance le reste du pays, rural et largement analphabète, en plein marasme après la perte des dernières colonies, note l’historien Carlos Gil Andrés.

Elles furent ensuite durement réprimées par la dictature de Francisco Franco (1939-1975), qui interdit notamment l’usage officiel de leurs langues.

Au Pays basque, la réaction séparatiste pris un tour violent. L’organisation séparatiste basque ETA, née en 1959, a tué au moins 829 personnes jusqu’en 2010, la plupart après la disparition de Franco.

En Catalogne, Terra Lliure (Terre libre), née en 1978 et marxiste comme ETA, commit aussi des attentats mais avec un seul mort à son actif. Le groupuscule s’est dissout en 1991.

En 2003, le président nationaliste basque Juan José Ibarretxe, proposa de faire de sa région un territoire « librement associé » à l’Espagne.

Il voulait aussi, bien avant les Catalans, un référendum d’autodétermination. Mais sa proposition fut rejetée par le Parlement espagnol. Les politiques basques évitèrent l’affrontement que les Catalans allaient risquer dix ans plus tard.

Désormais, « tous les acteurs du Pays basque veulent construire une nouvelle coexistence (…) éviter une répétition », des années de violence, explique Agus Hernan, du Forum social, association proche des familles de détenus de l’ETA.

Les nationalistes conservateurs au pouvoir (PNV) ont « constaté que la radicalisation les éloignait du pouvoir », estime le sénateur basque Inaki Oyarzabal du Parti populaire (PP, conservateur).

– Inégalité devant l’impôt –

Un élément clef différencie les deux régions: le Pays basque jouit depuis le 19e siècle d’une autonomie fiscale, lui permettant de prélever et distribuer l’impôt.

Ses dirigeants négocient « environ tous les cinq ans » avec Madrid le « cupo », le montant reversé à l’Etat pour les services publics, souligne Pablo Simon.

Même si les nationalistes défendent en théorie le droit à l’autodétermination, la négociation avec le pouvoir central est dans l’ADN basque, qui trouve un intérêt à préserver le statu quo, d’autant que les dépenses de l’Etat au Pays Basque sont bien au-dessus de la moyenne nationale.

Cette inégalité nourrit le ressentiment des Catalans, qui demandent en vain depuis des années la même autonomie fiscale. Madrid n’est pas prêt à l’accorder à une région qui représente 19% du PIB national, contre 6% pour le Pays Basque.

Il y a eu, en Catalogne « un orage parfait », combinant la colère contre l’austérité imposée après la crise économique de 2007 et la corruption dont on accusait la classe politique locale, estime le journaliste Borja Ventura, auteur d’articles comparant les deux régions.

En 2011 le président régional catalan, le conservateur Artur Mas « a vu son parlement cerné par les manifestants au point de devoir s’y rendre en hélicoptère, dit-il….Et une manière de mettre les gens de son côté a été de les mobiliser contre un ennemi extérieur », accusé de refuser le dialogue.

De défi en défi à l’Etat central, ignorant délibérement les décisions de la justice, les indépendantistes au parlement catalan finissent par déclarer d’indépendance le 27 octobre 2017. Un juge d’instruction accuse leurs chefs de « rébellion ».

Mais ils rejettent toute comparaison avec les années de violence au Pays basque.

C’est « une insulte à l’intelligence et cela banalise le terrorisme », s’insurge le député indépendantiste catalan Joan Tarda. Nous avons opté « pour un énorme acte de désobéissance civile. Mais nous ne dévierons pas de notre méthode civique et pacifique ».

En Catalogne, « il n’y a pas de terrorisme », admet le sénateur conservateur basque Inaki Oyarzabal tout en soulignant la gravité de la situation ayant débouché « sur un coup d’Etat ».

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