Philippe Maystadt

Les perturbateurs de la campagne américaine

Philippe Maystadt Ex-président de la BEI

Plusieurs éléments perturbateurs ont émaillé la campagne électorale US, comme, par exemple, le rôle de la Cour suprême dans le plafonnement des financements des candidats par les entreprises, ou encore celui exercé par les réseaux sociaux, Wikileaks, ou les cyberattaques russes.

On a déjà beaucoup écrit sur l’élection de Donald Trump, ses causes et ses conséquences pour les Etats-Unis et le monde (encore difficilement prévisibles car Trump l’est tellement peu). Je voudrais, pour ma part, revenir sur la campagne électorale elle-même car elle a vu intervenir des acteurs qui peuvent être une menace pour la démocratie. Le premier, c’est paradoxalement la Cour suprême qui, se basant sur l’article de la Constitution qui garantit la liberté d’expression, a fait sauter toute limite à ce que les entreprises peuvent verser aux candidats. Alors que Bernie Sanders avait financé sa campagne des primaires par des millions de petites donations, Trump puisait dans son immense fortune personnelle et Clinton collectait d’énormes chèques auprès des grandes sociétés. Difficile de croire après cela que l’un de ces deux candidats, s’il était élu président, allait s’attaquer réellement au phénomène de concentration de la richesse à une petite minorité.

u0022J’ai reçu un message de Trump qui n’était qu’un infâme ramassis de diffamations et d’insultes à l’égard de Clintonu0022

Le deuxième élément perturbateur, ce sont les médias sociaux. En principe, ils pourraient être des outils très utiles pour alimenter le débat démocratique en permettant aux citoyens d’intervenir directement et de faire connaître leurs opinions et leurs propositions. Malheureusement, ils sont utilisés surtout pour propager des mensonges et répandre de fausses rumeurs. En tant qu’ancien étudiant d’une faculté américaine, j’ai reçu un message de Trump qui n’était qu’un infâme ramassis de diffamations et d’insultes à l’égard de Clinton. Ce genre de message, parce qu’il est répété des millions de fois, finit par apparaître comme  » la vérité  » aux yeux de ceux qui ne s’informent plus ailleurs. Les exercices de  » fact-checking  » (vérification des faits) menés par les médias traditionnels n’ont eu, dès lors, qu’un impact limité.

Troisièmement, on peut s’étonner du rôle joué par WikiLeaks. Les lanceurs d’alerte sont utiles pour mettre au jour des pratiques illégales ou non éthiques et ils méritent d’être protégés. Ce qui est étonnant, c’est le fait que la puissance de feu de Wikileaks ait été utilisée uniquement à l’encontre d’Hillary Clinton. Manifestement, Julian Assange avait choisi son camp. Il a notamment tenté de perturber la campagne de Clinton en publiant des e-mails confidentiels de John Podesta, son directeur de campagne, qu’il avait obtenus de sources russes.

Cela m’amène au quatrième élément, un des plus préoccupants : les cyberattaques menées depuis la Russie. Elles ont pénétré l’ordinateur de Podesta mais aussi ceux du QG du Parti démocrate, provoquant la démission de la présidente du parti.

Les Etats-Unis ne sont pas les seuls visés par les  » hackers  » russes. En Allemagne, deux cyberattaques d’envergure ont été menées contre le Bundestag et les principaux partis. Angela Merkel a déjà averti que la Russie pourrait tenter d’influencer les élections allemandes de 2017. Il est significatif que ces attaques ont visé à capturer le plus grand nombre possible de données de sorte qu’elles puissent être traitées et utilisées plus efficacement pendant la campagne électorale, soit en lâchant des  » informations  » ciblées sur certains électeurs, soit en faisant chanter un candidat. Allons-nous accepter que Julian Assange ou Vladimir Poutine influencent le résultat des élections dans nos pays ? Il est temps de réfléchir aux techniques les plus efficaces pour empêcher les « hackers » et les « leakers » de perturber le processus démocratique.

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