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Les « oubliés » de Porto Rico peinent à se relever (en images)

Muriel Lefevre

« On a eu des jours difficiles, désespérants », se souvient Samuel De Jesus, un habitant du petit hameau de Rio Abajo, dans une zone montagneuse du centre-ouest de l’île.

« On ne savait pas quoi faire, on devenait littéralement fous », poursuit cet homme de 35 ans, se remémorant les jours qui ont suivi le passage du terrible ouragan le 20 septembre qui a laminé l’île et fait au moins 48 morts.

Le pont qui permettait aux 27 familles de Rio Abajo de rejoindre le reste du territoire américain a été détruit et un système de cordages a été rapidement mis en place pour acheminer des vivres au-dessus d’une eau boueuse, alors que les réserves commençaient à s’épuiser. Samuel De Jesus, qui est diabétique, était parvenu lui à maintenir au frais son insuline « mais je n’avais presque plus d’essence pour le générateur », se souvient-il.

Depuis deux semaines, vivres, eau et médicaments arrivent par les airs grâce à un hélicoptère. Mais les habitants réclament un pont « pour pouvoir sortir (leurs) véhicules et partir en cas d’urgence ou si un glissement de terrain se produit », explique M. De Jesus.

Le gouverneur de Porto Rico Ricardo Rossello s’est rendu à Utuado, tout proche, mercredi dans le cadre de la fourniture de produits de première nécessité à la population.

« Utuado est certainement une des communes les plus touchées de tout Porto Rico. Notre engagement est de lui apporter soutien et assistance tout au long du chemin vers sa réhabilitation », a assuré le gouverneur du territoire américain.

Comme Rio Abajo, bien d’autres hameaux et villages de l’île ont été totalement isolés après le passage de l’ouragan. Un mois plus tard, 81% de la population n’a toujours pas d’électricité, le réseau de télécommunications est loin d’avoir été totalement rétabli et l’économie reste paralysée.

Malgré cette situation, le président américain Donald Trump n’a pas hésité jeudi à attribuer à son administration la note maximale pour sa réponse à l’ouragan. « Je pense que nous avons fait du très bon boulot », a-t-il déclaré lors d’une rencontre dans le Bureau ovale avec le gouverneur Rossello.

– Economie paralysée –

La production de l’importante industrie pharmaceutique de ce territoire américain de 3,5 millions d’habitants reste cependant paralysée et la plupart des entreprises, petits commerces et restaurants n’ont pas rouvert leurs portes. Quand ils l’ont fait, c’est à un coût élevé en raison de l’utilisation de générateurs fonctionnant au diesel.

Cette situation survient un peu plus d’un an après que Washington a autorisé le territoire à restructurer sa dette abyssale, estimée à 73 milliards de dollars.

Ancienne colonie espagnole, Porto Rico est devenu territoire américain à la fin du 19e siècle avant d’acquérir un statut spécial d' »Etat libre associé » dans les années 1950.

Les pertes liées à l’ouragan pourraient s’élever à quelques 20 milliards de dollars, estime dans un entretien à l’AFP l’économiste Joaquin Villamil.

Les fonds apportés à l’île par l’Agence américaine des situations d’urgence (Fema) et les assurances auront un impact positif sur le Produit national brut (PNB) de Porto Rico en 2018 et 2019 mais cet effet ne sera que temporaire, assure l’économiste à la tête du cabinet Estudios Tecnicos.

« D’un point de vue économique, les gains nets ne seront pas très importants », souligne-t-il, rappelant que l’économie de l’île est en difficulté depuis 2006. Et pour revenir au PNB réel de 2006, il faudra attendre au moins 2026 voire probablement quelques années de plus.

Sans compter que la situation risque d’empirer avec l’exode possible vers les Etats-Unis de dizaines de milliers de Portoricains, alors que les habitants avaient déjà commencé à fuir en masse la crise ces dix dernières années. La population pourrait tomber à 3,1 millions d’ici 2026 selon des estimations, souligne l’économiste.

Depuis le 3 octobre, quelque 36.000 personnes venant de Porto Rico sont ainsi arrivées en Floride, selon une estimation de cet Etat du sud-est des Etats-Unis.

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