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Les insurgés contrôleraient l’est de la Libye

Le régime de Mouammar Kadhafi semblait mercredi avoir perdu le contrôle de vastes régions de l’est de la Libye, mais restait déterminé à mater l’insurrection inédite qui a déjà fait des centaines de morts et vaciller son règne autoritaire de plus de 40 ans.

« Bain de sang », « génocide », « crimes contre l’Humanité »: la communauté internationale confirmant une situation catastrophique dans ce pays qui détient les plus importantes réserves de pétrole en Afrique, tentait de trouver un moyen de faire stopper l’homme fort de la Libye, mais en vain pour le moment.

« Capturez les rats !  » Dans un discours télévisé enflammé et belliqueux mardi soir, Mouammar Kadhafi, le plus ancien dirigeant du monde arabe, a ainsi appelé la police, l’armée et ses partisans à réprimer les protestataires, avertissant de possibles « boucheries ».

Face à l’escalade, de nombreux pays dans le monde continuaient d’évacuer par air et par mer, dans des conditions difficiles, les dizaines de milliers de leurs ressortissants en Libye, pris au piège des violences.

Celles-ci ont fait depuis le début de la révolte le 15 février au moins 300 morts, selon un bilan officiel, la plupart ayant été recensées à Benghazi, deuxième ville du pays à 1.000 km à l’est de Tripoli et foyer de l’insurrection.

C’est d’ailleurs la région orientale riche en pétrole que les opposants au régime semblaient contrôler fermement, de la frontière égyptienne jusqu’à Ajdabiya plus à l’ouest, en passant par Tobrouk et Benghazi.

Une équipe de l’AFP a vu des rebelles, en majorité armés, sur la route allant jusqu’à Tobrouk, à environ 150 km plus à l’ouest, et des soldats gouvernementaux ayant rallié les insurgés.

Le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini a affirmé que la province de Cyrénaïque (est) « n’est plus sous contrôle du gouvernement libyen. La naissance d’un émirat islamique de la Libye orientale et la volonté d’enlever des Occidentaux y ont été annoncées ».

Néanmoins, le régime continue de dire qu’il contrôle la région, via un message transmis sur le réseau de téléphonie mobile. « Que Dieu accorde la victoire à notre dirigeant et à notre peuple », y est-il écrit.

Entretemps, dans la capitale Tripoli d’où le colonel libyen a lancé également un appel à ses partisans à descendre dans la rue, seules des dizaines de manifestants se sont rassemblés le matin.

Quelques dizaines de voitures tournaient en klaxonnant sous une pluie battante, alors que des partisans brandissaient des drapeaux verts et des portraits de Kadhafi, sous les yeux de quelques policiers et hommes en civil armés de kalachnikov.

La plupart des commerces sont restés fermés mais de longues files d’attente se sont formées devant les boulangeries et les stations d’essence.

A l’aéroport de Tripoli la situation est « chaotique », des passagers se battant pour monter dans les avions, selon un commandant d’un avion maltais, de retour de la capitale libyenne où il a embarqué des compatriotes.

Le croissant rouge en Tunisie a évoqué un « risque catastrophique » d’exode massif de la Libye voisine.

Après des jours d’hésitations, l’Union européenne se rapprochait de sanctions, le président français Nicolas Sarkozy se prononçant en faveur de sanctions ciblées contre des caciques du régime de M. Kadhafi, longtemps accusé de « terrorisme » avant de se réconcilier en 2003 avec l’Occident.

Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn a évoqué « des restrictions de visa » et le gel des comptes bancaires « des membres du clan Kadhafi ».

« J’ai vu des crimes horribles qui sont inacceptables et ne peuvent rester sans conséquences », a souligné le président de l’UE, Herman Van Rompuy. Kadhafi a « perdu toute légitimité » en décidant de « bombarder ses propres citoyens », a dit la chef de la diplomatie espagnole Trinidad Jimenez.

Le Pérou a été le premier Etat à rompre ses relations avec la Libye, en signe de protestation contre la violence. Et le Conseil des droits de l’homme de l’ONU tiendra vendredi une session spéciale sur la

Libye.

Au sein même du régime libyen, les défections ont continué avec le ralliement du ministre de l’Intérieur, Abdel Fatah Younes, « à la révolution » et le départ du ministre de la Justice. De nombreux diplomates libyens en poste à l’étranger ont aussi fait défection.

Comme il y a deux jours, quand deux avions de chasse libyens, pilotés par des militaires ont fait défection après avoir refusé de mater la rébellion, le pilote d’un chasseur a lâché son appareil se faisant éjecter après avoir refusé des ordres de bombarder Benghazi, selon un journal libyen.

Sur les marchés, la poussée de violences dans le monde arabe et particulièrement en Libye, l’un des principaux producteurs d’or noir en Afrique, a fait trembler les Bourses mondiales et flamber les cours de brut, sur fond de craintes pour l’approvisionnement en gaz et pétrole.

Plusieurs groupes pétroliers ont rapatrié leurs employés en Libye, alors que le Français Total a « commencé à suspendre » une partie de sa production, précédés par l’Italien ENI et l’Espagnol Repsol.

Tous les ports et terminaux du pays sont « temporairement fermés » selon la compagnie maritime française CMA-CGM, ce qui signifie le blocage de toutes les exportations d’hydrocarbures de Libye.

Le Vif.be, avec Belga

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