Dans les rues de Pétionville, banlieue de Port-au-Prince. © AFP/Hector Retamal

Les Haïtiens élisent leurs représentants, un défi logistique et sécuritaire

Les Haïtiens sont appelés aux urnes dimanche pour élire, avec près de quatre ans de retard, leurs représentants parmi une avalanche de candidatures et alors que des violences ont émaillé la campagne dans ce pays le plus pauvre du continent américain.

Retardés en raison d’une crise profonde entre le pouvoir exécutif et l’opposition, les scrutins permettant d’élire l’ensemble des députés du pays et deux tiers du sénat ont suscité un engouement historique dans ce pays de la Caraïbe: 128 partis ont été enregistrés par le conseil électoral provisoire (CEP) et pas moins de 1.855 candidats sont en lice pour les 139 sièges à pourvoir dimanche. Une affluence record qui suscite des inquiétudes quant au bon déroulement des opérations de vote.

Légalement, chaque candidat peut avoir un mandataire dans chaque bureau de vote de sa circonscription. Mais cette précaution, pour prévenir les fraudes, ne sera physiquement pas applicable dans nombre de bureaux, majoritairement placés dans des salles de classe.

Certains sièges de députés, notamment ceux de la capitale Port-au-Prince, sont brigués par une trentaine de candidats: une telle quantité de mandataires ne peut être accueillie dans un espace déjà occupé par les membres du bureau de vote, d’éventuels observateurs internationaux et les électeurs.

« Nous autorisons cinq représentants de partis politiques à assister simultanément aux opérations électorales dans un bureau », a indiqué Pierre-Louis Opont, le président du CEP, lors d’une conférence de presse jeudi. « C’est aux mandataires de réaliser un tirage au sort pour déterminer un roulement dans leur travail d’observation. »

Cet arrangement informel inquiète les représentants des petits partis qui craignent un contrôle du processus électoral par les formations dominantes que sont le PHTK (Parti haïtien tet kale), le parti du président Michel Martelly, et Vérité, proche de l’ancien chef d’Etat René Préval.

Les violences entre partisans assombrissent aussi l’image d’un pays qui renoue avec l’ordre constitutionnel.

Le réseau national de défense des droits humains (RNDDH) a noté qu' »au fur et à mesure que s’approche la date du scrutin, les affrontements verbaux se muent en attaques physiques, en assassinats, en bastonnades ».

Dans son rapport publié mercredi, l’organisation parle d’un « climat de terreur » et énumère le bilan tragique à l’issue du mois qu’a duré la campagne électorale: « Neuf affrontements armés, cinq assassinats, deux tentatives d’assassinat, sept blessés par balles, deux blessés à l’arme blanche, dix-sept blessés à coups de pierre et dix cas de bastonnade. »

Cette violence, tristement habituelle dans le pays en période électorale, freine la participation des citoyens pour qui, par ailleurs, les scrutins législatifs ne présentent pas de grand intérêt.

« Nous le savons : le taux de participation, surtout quand il s’agit de législatives, est très bas, » reconnaît José Enrique Castillo Barrantes, chef de la mission d’observation électorale de l’Organisation des Etats américains (OEA). « Nous gardons un certain espoir de faire monter ce taux de participation. Nous espérons au moins arriver à 20%. »

Les candidats et partis, qui ont investi beaucoup d’argent pour ces élections, espèrent aussi une affluence conséquente dans les bureaux de vote.

Vendredi, dernier jour de la campagne, les camions équipés de haut-parleurs, bariolés d’affiches d’un parti, et les crieurs publics distribuant les portraits des candidats ont sillonné les rues de Port-au-Prince dans une ambiance de carnaval pour motiver les électeurs.

Des hommes et femmes qui, par habitude, ne se presseront pas aux bureaux de vote dès leur ouverture à 06h00 (10h00 GMT), mais attendront quelques heures, les oreilles collées au poste de radio pour savoir si la rue est tranquille.

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