Emmanuel Macron © ISOPIX

Les grèves en France seront un test pour Macron et les syndicats

Le Vif

La vague de grèves qui déferle sur la France à partir de lundi avec le début de la « bataille du rail » constitue un test majeur pour le président Emmanuel Macron mais aussi pour les syndicats.

Ce sont les cheminots de la SNCF, l’opérateur public du rail, qui donnent le coup d’envoi à une mobilisation susceptible de perturber la vie des Français pendant près de trois mois.

Protestant contre le projet de réforme du gouvernement, qui veut notamment s’attaquer à leur statut spécial comprenant la garantie d’un emploi à vie, ils ont inventé le concept d’une grève de deux jours sur cinq jusqu’à la fin juin, soit 36 jours de débrayage au total.

La SNCF conseille de renoncer à prendre le train dès lundi soir et jusqu’à jeudi matin, car la grève « va être très pénalisante » pour les 4,5 millions de voyageurs quotidiens, prévient le patron du groupe, Guillaume Pepy.

Mardi, les cheminots seront rejoints par d’autres mécontents: les employés du ramassage des déchets et dans l’énergie.

Le même jour, les personnels de la compagnie Air France font grève pour la quatrième fois en un mois pour demander une augmentation générale des salaires de 6%. Une revendication qui n’a pas de lien direct avec les réformes Macron mais qui contribue à alourdir le climat social, tout comme l’action des salariés du géant de la distribution Carrefour samedi ou le blocage de certaines universités.

Jusque-là, le président Macron, résolu à « transformer » la France, a réussi à imposer sans résistance majeure ses réformes dont celle, pourtant sensible, du code du travail.

Depuis son arrivée au pouvoir en mai 2017, plusieurs journées de mobilisation au succès mitigé des cheminots, des retraités ou des fonctionnaires n’ont pas réussi à faire fléchir la position du gouvernement composé de ministres venus de la gauche et de la droite.

Décrite comme « brutale » par ses opposants, la méthode Macron, consistant à aller vite sur tous les fronts, semble prendre les syndicats de vitesse. « En ouvrant constamment de nouveaux chantiers, il rend obsolète la contestation sur le premier, quand il a déjà ouvert le deuxième », résume le politologue Philippe Braud.

Mais cette fois, M. Macron risque de « rentrer dans le dur » préviennent les analystes, d’autant qu’il s’attaque à la SNCF, citadelle réputée imprenable sur laquelle plusieurs gouvernements se sont cassés les dents.

– « Comme Thatcher » –

Le défi est tel que plusieurs responsables politiques et syndicaux font la comparaison avec le combat frontal engagé en 1984 au Royaume-Uni par la Première ministre conservatrice Margaret Thatcher avec les mineurs.

« Emmanuel Macron veut en finir avec ce qu’il reste de l’Etat social », dénonce Eric Coquerel, élu de La France insoumise (gauche radicale). « Et il commence par le secteur le plus organisé, le plus unitaire, le plus combatif, que sont les cheminots, en se disant comme l’avait fait Thatcher: +ça passe ou ça casse+ ».

« La France est la seule grande économie européenne qui n’a pas gagné face au chômage de masse » (8,9% fin 2017), a martelé M. Macron en août pour justifier son agenda réformiste.

Les syndicats savent qu’ils jouent gros sur ce conflit social à la SNCF, lourdement endettée et confrontée à l’ouverture prochaine à la concurrence européenne.

Ils craignent que si le gouvernement remporte ce combat emblématique, il ait les coudées franches pour imposer ses autres projets de réforme par la suite.

Face à la détermination de l’exécutif, les syndicats, divisés et faiblement représentés, misent sur un ralliement de l’opinion publique pour tenir la distance.

Selon un sondage Ifop pour le Journal du Dimanche, 53% des Français trouvent la grève injustifiée, alors qu’ils étaient encore 58% il y a quinze jours.

Cela montre que la cause des grévistes « progresse alors qu’on rentre dans le dur du conflit », estime Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop.

Mais en même temps, 72% des Français pensent que le gouvernement ira jusqu’au bout. Comme une réputation à défendre pour Emmanuel Macron.

Une prime pour inciter des cadres à conduire des trains

La direction de la SNCF a proposé à des cadres une prime pour les inciter à conduire des trains pendant la grève qui doit débuter lundi soir en France, a-t-on appris dimanche auprès de sources syndicales qui dénoncent une tentative de déstabilisation du mouvement.

« Depuis la semaine dernière », la direction « propose une prime de conducteur occasionnel » à des « cadres opérationnels qui ne la touchaient pas jusqu’à présent », a indiqué à l’AFP Erik Meyer, du syndicat SUD-Rail, confirmant une information de franceinfo.

Cette prime mensuelle d’un montant de « 150 euros » était jusqu’alors versée à des « cadres de direction issus de la conduite » amenés à conduire un train de temps en temps, « une fois par trimestre », a expliqué M. Meyer. La direction « a commencé à étendre ce dispositif »

Selon Bernard Aubin, du syndicat FiRST (non-représentatif), « c’est la politique de la carotte et du bâton » pour « réduire au maximum les impacts de la grève. »

La direction de la SNCF a confirmé à l’AFP l’existence de « cette prime forfaitaire de 150 euros », qui « a pris effet au 1er janvier 2018 », et dénoncé « un faux procès », les discussions à ce sujet « remontant à 2017 ».

La grève à la SNCF contre le projet de réforme du gouvernement démarre lundi soir. Les syndicats CGT, Unsa et CFDT appellent à un mouvement par épisode de deux jours sur cinq jusqu’au 28 juin, SUD-Rail appelle à une grève illimitée, reconductible par 24 heures.

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