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Les femmes en Afghanistan: « Il faut croire en la parole de Karzaï »

Alors qu’une chasse à l’homme est organisée par les autorités afghanes pour retrouver les auteurs de l’exécution sommaire filmée d’une femme soupçonnée d’adultère, LeVif.be fait le point avec Françoise Hostalier sur la condition des femmes en Afghanistan.

Une vidéo montrant l’exécution par balle d’une femme soupçonnée d’adultère dans un village à une centaine de kilomètres de Kaboul a suscité un tollé général. Celle-ci relance une nouvelle fois la polémique sur les avancées de la condition féminine en Afghanistan après dix années de présence internationale. L’analyse de Françoise Hostalier, ancienne députée UMP de la 15e circonscription du Nord et spécialiste de la condition des femmes en Afghanistan.

Quel est le but de la diffusion de cette vidéo ?

Cette vidéo est controversée. On ne sait pas si l’exécuteur est son mari ou s’il appartient au groupe des Talibans. On ignore également si cette femme a été contrainte ou forcée de s’enfuir ou s’il s’agit d’un acte délibéré. Mais sa réalisation et sa diffusion massive sur la toile n’ont qu’un seul but : intimider.

Où en est la condition des femmes en Afghanistan?

Les pays occidentaux veulent voir les pays qu’ils aident à travers leur propre prisme, en termes de modernité et de développement. Or, chaque pays possède sa culture et ses traditions. Les médias réduisent très souvent la condition de la femme afghane au port de la burqa. Mais le port de la burqa ou du voile a toujours existé dans ce pays ; cela fait partie de la tradition et de la culture. C’est un symbole. Porter ou non le voile n’est pas leur priorité dans ce pays ravagé par la guerre.

La condition des femmes n’est pas enviable en Afghanistan, c’est incontestable. Mais leur situation a évolué: depuis la chute des Talibans, les femmes peuvent travailler dans les ministères, dans la fonction publique, dans les administrations et peuvent enseigner librement. Mais cette liberté est très inégale selon qu’on se trouve dans une grande ville, influencée par la présence de l’OTAN, ou dans un village. Elle est aussi inégale selon les différentes ethnies. Chez les Hazaras par exemple, les femmes ne sont pas voilées et vivent plus libres parmi les hommes.

Que dire du comportement des autorités afghanes à leur égard?

Il y a des gens sincères dans le gouvernement, qui ont parfaitement conscience du rôle important que la femme peut jouer dans la société, dans l’intérêt de tous. Il faut essayer de croire en la parole de Karzaï et dans sa volonté de donner une place visible aux femmes. Il y a 30 % de femmes élues au Parlement afghan (18% à titre d’exemple en France en 2007 et 26% aujourd’hui) à qui il faut donner les outils pour mener à bien leur mandat et montrer qu’elles ont leur utilité dans la société. L’éducation leur est nécessaire. Par exemple, lorsqu’on sait que les hommes médecins n’ont pas le droit de soigner une femme âgée de plus de 12 ans, il faut davantage de femmes médecins pour assurer un suivi médical et les Afghans le comprennent parfaitement.

Y-a-t-il eu régression ou évolution sur le droit des femmes en Afghanistan?

Il y a eu régression surtout en termes de sécurité. Dès 2008, les habitants ont connu la désillusion. Certains, revenant d’exil pensaient retrouver un pays normalisé et développé économiquement et socialement. Mais ils ont réalisé que la sécurité n’était toujours pas assurée et se sont repliés sur eux-mêmes. D’où un retour pour certains aux fondamentaux, et les femmes en payent les pots cassés.

Mais il faut souligner que l’emprise des Talibans dans la société peut être aussi douloureuse à vivre pour les femmes que pour les hommes. Les mariages forcés/arrangés concernent aussi la population masculine, qui doit se soumettre aux traditions. J’ai rencontré par exemples des hommes à qui ont avait imposé une femme qu’ils ne connaissaient pas et qui n’étaient pas heureux dans leur ménage ni épanoui. Les Afghans vivent une crise sociale profonde qui touche toutes les couches de la population. Cela n’est peut-être pas négatif ?

Propos recueillis par Sophie Malherbe

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