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Les fantasmes démontés des califes autoproclamés

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le schisme entre sunnites et chiites, l’importance de la « communauté des croyants », la signification d’une restauration du califat… Comment revisiter les premières décennies de l’islam nous éclaire sur l’actualité du Moyen-Orient.

Quand, le 29 juin 2014 au premier jour du ramadan, Abou Bakr al-Baghdadi, le chef du groupe terroriste Etat islamique, décrète la restauration du califat, quelle signification, tronquée ou authentique, ce message peut-il avoir pour les musulmans? Qui était le prophète de l’islam que les auteurs de l’attentat contre Charlie Hebdo, le mois dernier ont prétendu vouloir venger pour des représentations qui étaient pourtant autorisées au Moyen Age? Plus stratège que guerrier, Mahomet guide ses fidèles vers une conquête « qui fut d’abord un phénomène politique et militaire – la constitution d’un nouvel empire (sur les ruines d’autres en pleine décomposition) – avant d’être religieux », diagnostique Eric Vallet, maître de conférences en histoire à l’université Panthéon-Sorbonne. « Contrairement aux idées reçues, les musulmans n’avaient aucune velléité de conversion ».

En fait, les premières décennies de la religion musulmane donnent des clés pour décrypter l’actualité. L’islam apparaît alors à beaucoup comme « un système révolutionnaire ». « On sort du cadre de la parenté pour former un groupe fondé sur l’appartenance religieuse, l’oumma (la communauté des croyants) », souligne Vanessa Van Renterghem, chercheuse à l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo). La nouvelle croyance tend à faire primer le collectif sur l’individu. La guerre de succession après la mort de Mahomet va, elle aussi, créer un contexte qui pèse encore aujourd’hui. Le schisme entre sunnites (85% des musulmans) et chiites (10%) – les kharidjites forment la troisième et dernière branche de l’islam – explique que les seconds soient une des principales cibles de l’Etat islamique.

En s’arrogeant le titre de « calife Ibrahim », Abou Bakr al-Baghdadi entend marcher sur les traces des premiers dirigeants de l’islam, dont les conquêtes visent d’abord à neutraliser les tribus arabiques qui cherchent à s’émanciper de la tutelle de Médine. On est loin de l’âge d’or du califat quand les Abbassides (750-1258), en élites éclairées, font rayonner comme jamais la civilisation arabo-musulmane grâce à des innovations en architecture, littérature, mathématiques, astronomie et médecine. Ainsi, une plongée dans l’Histoire permet-elle de démonter les fantasmes des califes autoproclamés.

L’islamisme ne cessant de convoquer l’Histoire et au besoin de la dévoyer pour justifier ses projets d’expansion, revisiter le passé est donc essentiel à la compréhension du présent. C’est ce que propose un dossier spécial du Vif/L’Express de cette semaine sur les origines de l’islam.

Lire, dans Le Vif/L’Express de cette semaine, le dossier « La grande histoire des peuples arabes »:

  • Avant l’islam, un parfum d’Arabie
  • Le vrai visage de Mahomet
  • Premiers califes: de sacrés guerriers
  • Les Omeyyades, bâtisseurs d’empire
  • « La conquête fut d’abord politique », entretien avec Eric Vallet, de l’université Panthéon-Sorbonne
  • Parole de Dieu, guerre des hommes
  • Sexe: les liaisons dangereuses

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