© REUTERS/Alaa Al-Faqir

Les États-Unis ont-ils commis une bavure en Syrie?

Le Vif

Les militaires américains ont reconnu jeudi avoir effectué une frappe dans le nord de la Syrie, contre Al-Qaïda, mais nié avoir délibérément visé la mosquée où au moins 42 personnes ont péri selon une ONG locale.

« Nous n’avons pas visé une mosquée, mais le bâtiment que nous avons ciblé, là où avait lieu le rassemblement (d’Al-Qaïda), se trouve à environ 15 mètres d’une mosquée qui est toujours debout », a plaidé jeudi soir le colonel John J. Thomas, porte-parole du Centcom, le commandement des forces américaines au Moyen-Orient.

Dans un communiqué préalable, le Centcom avait annoncé que « les forces américaines (avaient) effectué une frappe aérienne sur un rassemblement d’Al-Qaïda en Syrie, le 16 mars, dans la province d’Idlib, tuant plusieurs terroristes ».

Plus tard dans la journée de jeudi le porte-parole du Centcom avait cependant reconnu que la location précise de cette frappe n’était pas claire, mais qu’il s’agissait bien de la même que celle qui avait touché la mosquée du village d’Al-Jineh, dans la province voisine d’Alep.

« Nous allons enquêter sur les allégations selon lesquelles cette frappe aurait fait des victimes civiles », a ensuite déclaré le colonel Thomas, interrogé sur le chiffre de 42 victimes, civiles pour la plupart, avancé par l’OSDH, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, une ONG locale généralement bien informée.

« J’ai vu 15 cadavres »

Selon Rami Abdel Rahmane, directeur de l’OSDH, une centaine de personnes ont également été blessées dans ces raids aériens sur ce village sous contrôle des groupes rebelles.

Selon des images diffusées par des militants antirégime et présentées comme celles du drame, le bâtiment semblait par contre entièrement détruit et non plus debout comme avancé par le Centcom.

Entrée dans sa septième année de guerre mercredi, la Syrie n’en finit donc pas de compter ses morts.

Sur place, dans ce village d’al-Jineh, à 30 km à l’ouest de la ville d’Alep, les secours tentaient encore vendredi matin d’extraire des personnes coincées sous les décombres de la mosquée, selon l’ONG. Et plusieurs personnes étaient encore portées disparues.

« Nous avons entendu des explosions quand la mosquée a été frappée. C’était juste après la prière, à un moment où en général il y a des cours de religion pour les hommes », a témoigné Abu Muhammed, un habitant, auprès de l’AFP: « Quand je suis arrivé, j’ai vu 15 cadavres, et beaucoup de morceaux de corps, parmi les débris. Certains corps n’étaient même pas reconnaissables ».

Un cessez-le-feu parrainé par la Russie, alliée du régime syrien, et la Turquie, soutien des rebelles, est certes entré en vigueur en décembre 2016, mais les violences ont continué dans le pays.

Le ciel syrien est encombré par les avions du régime syrien, ceux de la Russie, ceux de la Turquie et ceux de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis.

La Russie est intervenue militairement au côté du régime en septembre 2015. Mais elle a toujours démenti les accusations selon lesquelles ses raids ont tué des civils en Syrie.

La coalition internationale concentre normalement ses frappes sur les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) et ceux de Fateh al-Cham, l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, qui occupent des régions en Syrie.

La mosquée d'Omari (Deraa), avant/après.
La mosquée d’Omari (Deraa), avant/après.© REUTERS/Khaled al-Hariri

Divisions entre Kurdes

Mercredi, au moins 25 civils, dont 14 enfants, avaient péri dans des raids sur la ville d’Idleb, tenue par des rebelles et les jihadistes, avait indiqué l’OSDH, en parlant de frappes « vraisemblablement russes ».

Quant aux auteurs du double attentat qui a fait 32 morts mercredi à Damas, ils ne sont toujours pas connus. Fateh al-Cham, l’ex-branche d’Al-Qaïda, a en tout cas « nié toute relation avec ces attentats », tout comme le groupe rebelle Jaïch al-Islam.

Au total, en six ans, la guerre en Syrie a déjà fait plus de 320.000 morts.

Déclenché par la répression de manifestations pro-démocratie, ce conflit est devenu très complexe avec la montée en puissance de groupes jihadistes, l’implication de forces régionales et de puissances internationales, sur un territoire très morcelé.

Un exemple concret de ces divisions et de ces haines qui traversent chaque camp a encore été montré jeudi avec la fermeture par les autorités kurdes dans le nord du pays des bureaux de leur principal rival politique.

Le Conseil national kurde (CNK), principale coalition opposée au Parti de l’Union Démocratique (PYD), qui domine les régions kurdes, figure notamment parmi les différentes formations qui ont vu leurs bureaux fermés.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire