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« Les élections en Russie sont une farce »

« Poutine veut gouverner la Russie jusqu’à la fin de ses jours », estime l’opposant Boris Nemtsov ancien vice-premier ministre sous Boris Eltsine, pour qui les élections législatives de ce dimanche sont une « parodie d’élections » et ne signifient « rien ».

Que signifient, selon vous, les élections législatives du 4 décembre ?

Rien. Car ce ne sont pas des élections, mais une parodie d’élections. En fait, le vrai « scrutin » a déjà eu lieu. C’était le 24 septembre dernier, pendant le Congrès de Russie Unie, lorsque Poutine a fait connaître sa décision de succéder à Medvedev à la tête de l’Etat. Car Poutine veut gouverner la Russie jusqu’à la fin de ses jours. Depuis les jeux sont faits: en mars prochain, Poutine réintègrera le Kremlin. Et dès ce week-end, son parti Russie Unie sera reconduit à la Douma (parlement) où il remportera une majorité absolue.

Le suspense est tellement absent de cette farce électorale que je peux déjà vous donner les résultats: numéro un: Russie Unie; deux: les communistes de Guennadi Ziouganov; trois: les nationalistes de Vladimir Jirinovski; enfin, quatre: le parti La Russie Juste, inféodé au Kremlin. Quant à l’opposition véritable, elle n’est pas autorisée à participer au scrutin, car le Kremlin lui refuse une existence légale.

A quoi ressemble la campagne électorale d’une élection jouée d’avance?

Mais il n’y a pas eu de campagne! Aucun débat, rien. Tout juste un peu d’affichage, pour la forme. Personne -même pas les élus du parti poutinien- ne prend au sérieux ce scrutin. Le gouvernement est dans l’incapacité de faire croire à la population qu’il s’agit d’un vrai moment de démocratie.

Quant à nous, nous avons décidé de transformer ce 4 décembre en une journée de protestation. Notre slogan est:  » Votez contre tous les candidats. Votez contre le gouvernement des escros et de voleurs. » Car, de facto, tous les politiciens élus à la Douma, qu’ils appartiennent ou non à Russie Unie, sont des corrompus achetés par le système poutinien.

A quoi ressemble ce système ?

La manipulation règne à tous les étages. Pour commencer, le pouvoir contrôle toutes les chaînes de télévision où des gens comme mois sont blacklistés. Il m’est donc impossible de faire entendre ma voix. Non seulement la censure règne mais, de plus, elle est aggravée par l’esprit d’autocensure qui a été instillé un peu partout.

Au niveau institutionnel, le Kremlin contrôle le comité électoral (censé veiller à l’équité des scrutins) dont elle nomme le président. Dans les régions, les gouverneurs, nommés par le pouvoir, se mettent d’accord à l’avance avec le Kremlin pour déterminer, au pourcentage près, le résultat des élections. Ce travail est effectué de manière sophistiquée: il mobilise des sociologues afin que le résultat paraisse crédible.

Au niveau politique, le Kremlin contrôle tous les partis qu’il finance au moyen de sa caisse noire. Seulement sept d’entre eux sont autorisés. Si l’un d’entre eux franchit la ligne jaune de la critique autorisée, alors le Kremlin assèche ses finances. Quant à ceux qui, comme moi, veulent sérieusement s’opposer au pouvoir, ils sont exclus du débat et victimes d’intimidation, d’agression, d’attaques physiques.

Des exemples ?

En 2009, j’étais candidat aux élections municipales de Sotchi. On m’a jeté un flacon d’ammoniac à la figure à l’entrée d’une conférence de presse. Par chance, en me rinçant abondamment le visage à l’eau, je n’ai pas eu de séquelles. Récemment, ma voiture a été écrasée par un W.C. jeté depuis un immeuble.

Le 31 décembre dernier, après un meeting autorisée en plein Moscou, j’ai été arrêté et emprisonné pendant deux semaines. A l’extérieur de la prison, la fausse information selon laquelle j’étais soi-disant agressé sexuellement par des co-détenus a été lancée par les sbires du pouvoir. Leur but: m’affaiblir moralement et me discréditer. Heureusement, malgré la prime de 3000 dollars qui leur était proposée, aucun détenu n’a accepté de produire un faux témoignage devant la caméra. Le code d’honneur des détenus de droit commun est supérieur aux cynisme absolu des gens en place au Kremlin !

Pour toutes ces basses oeuvres, le pouvoir utilise le mouvement de jeunesse Nachis (Les Nôtres). Créé en 2005, il se compose de quelques milliers de hooligans qui constituent un corps d’inspiration nazi. Ce sont les « Poutine-jugend ». Leur mission : intimider l’opposition, occuper la rue s’il le faut et empêcher la naissance de toute protestation populaire.

Propos recueillis par Axel Gyldén et Alla Chevelkina, L’Express.fr

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