© Reuters

Les détenus « de valeur » de Guantanamo encouragés à la dénonciation

Majid Shoukat Khan, détenu à Guantanamo depuis 6 ans, a plaidé coupable ce mercredi pour de multiples chefs d’accusation en échange d’une réduction de peine. L’accord passé avec le gouvernement prévoit notamment que l’accusé témoigne contre ses anciens complices d’Al-Qaïda.

La justice militaire américaine a conclu un accord majeur mercredi avec un influent membre présumé d’Al-Qaïda détenu à Guantanamo, Majid Shoukat Khan, qui le conduirait à témoigner contre d’autres prisonniers en échange d’une peine maximale de 19 ans de prison. Cet accord pourrait ainsi accélérer les procès d’autres détenus de Guantanamo jusqu’ici au point mort, comme celui de son ancien complice Khaled Cheikh Mohammed (KSM), cerveau autoproclamé des attentats du 11 septembre 2001.
Majid Shoukat Khan, Pakistanais de 32 ans, détenu pendant trois ans dans une prison secrète de la CIA avant d’être transféré en 2006 dans la prison américaine située à Cuba, avait été déféré la semaine dernière devant un tribunal militaire. Ce qu’on lui reproche: il aurait fomenté des attentats contre des stations-service et des réservoirs d’eau potable aux Etats-Unis, préparé un attentat contre l’ex-président pakistanais Pervez Musharraf et livré des fonds à hauteur de 50 000 dollars à Al-Qaïda, permettant un attentat à Jakarta en 2003. Toutes ces actions sous la direction de KSM. Le prévenu a répondu à ces accusations mercredi en plaidant coupable de « complot, assassinat et tentative d’assassinat en violation des lois de la guerre, soutien matériel à une entreprise terroriste et espionnage ».
Majid Shoukat Khan risquait la perpétuité en cas de procès, mais, en vertu de ce plaider coupable, il ne pourra pas écoper de plus de 19 ans de prison lorsque la sentence sera prononcée dans quatre ans, le 29 février 2016, a annoncé le juge militaire James Pohl. A moins d’un faux pas, il lui restera alors 15 ans à purger.

Pourquoi un tel accord?

Cet accord « est partie intégrante d’une stratégie visant à construire des dossiers plus solides contre une poignée d’accusés que le gouvernement prévoit de traduire devant des commissions militaires », a souligné Jonathan Hafetz, l’avocat d’un détenu de Guantanamo. Même si ce n’est pas explicite dans l’accord, Majid Khan qui fait partie des 14 prisonniers « de haute valeur » détenus à l’isolement et dans des conditions de très haute sécurité à Guantanamo, pourrait apporter, dans les quatre ans qui viennent, des informations cruciales pour faire condamner à mort KSM, qui attend son procès depuis dix ans dans la prison américaine. Quatre autres hommes inculpés pour avoir fomenté les attaques du 11-Septembre attendent d’être traduits devant un tribunal militaire.

« Si Khan apporte des informations sur KSM et les autres détenus de grande valeur, comme il semble que cela soit prévu dans l’accord, cela va sans aucun doute mettre un coup d’accélérateur aux procédures », a déclaré Karen Greenberg, experte à la Fordham Law School. « Les informations seront produites aujourd’hui et à travers une procédure légale » contrairement à de précédentes preuves controversées « obtenues sous la torture » dans des prisons secrètes, a-t-elle ajouté.

L’année électorale en cours pourrait également expliquer les termes de cet accord pour le colonel Davis, ancien procureur général dans les commissions militaires de Guantanamo: « le président Obama, prix Nobel de la paix, peut s’enorgueillir d’avoir fait abattre Ben Laden et Al-Aulaqi, donc démolir KSM formerait un triplé gagnant et aiderait à calmer les agitateurs conservateurs qui dénoncent sa faiblesse ».

Le plaider coupable est la seule chance de sortir de Guantanamo
Après ce premier accord passé avec un détenu « de haute valeur », selon le Washington Post, beaucoup déplorent qu’un plaider coupable soit la seule chance de sortir de Guantanamo. « L’ironie du sort c’est que si vous êtes accusé d’un crime et que vous plaidez coupable, vous savez que vous serez libéré un jour et vous savez à peu près quand. Mais si vous n’êtes pas accusé, vous ne savez pas si vous serez libre un jour, et encore moins quand », déclare David Remes, avocat de détenus de Guantanamo.

Majid Shoukat Khan est le septième prisonnier de la prison américaine à être reconnu coupable, dont cinq ont plaidé coupable depuis la création de tribunaux militaires d’exception en 2001, sous l’administration Bush, pour juger les « combattants ennemis ». « Cet accord ne me garantit pas que je serai libre, je ferai mon temps, je n’ai pas de garantie », a déclaré le détenu non menotté. « Je fais un acte de foi, c’est tout ce que je peux faire ». Confiné depuis 2006 au camp VII réservé aux prisonniers « de grande valeur », le prévenu pourrait se trouver au camp Echo, destiné, selon une porte-parole de la prison, « aux détenus doivent être séparés du reste de la population » carcérale.

LeVif.be avec L’Express

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire