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Les derniers jours de Kadhafi

Un ancien général aux ordres de l’ex-dictateur libyen raconte la cavale qui a suivi la chute de Tripoli, fin août. Et qui a abouti à la mort de Kadhafi, deux mois plus tard, à Syrte. Récit.

Révélations sur la chute du tyran. Le témoignage de l’un des généraux les plus proches de Mouammar Kadhafi dévoile des secrets sur la fin de l’ex-dirigeant libyen. Il décrit le déroulement de la fuite du dictateur, dont on avait perdu la trace après la chute de Tripoli fin août, avant qu’il ne soit capturé puis tué le 20 octobre à Syrte, dans des circonstances encore floues.

Le général Mansour Daw, chef des redoutées brigades sécuritaires libyennes, livre sa version. Son témoignage, raconté par le quotidien américain New York Times et par l’hebdomadaire Paris Match, éclaire les conditions de survie du dictateur déchu. Mansour Daw est à ses côtés pendant sa cavale, entamée le 21 août, au lendemain des premiers assauts de la bataille de Tripoli. Deux mois plus tard, il est capturé le même jour que Kadhafi, à Syrte, par les combattants du Conseil national de transition.

Connue pour être un bastion pro-Kadhafi, Syrte, la ville natale de l’ancien homme fort de la Libye, est ravagée par les bombardements depuis le début de l’offensive de l’Alliance. C’est justement le dernier endroit où Kadhafi serait traqué, pensaient ses fils. « Il était terrorisé par l’Otan » davantage que par les rebelles, explique le général Daw.

D’après lui, la fuite de Tripoli vers Syrte s’organise en un petit convoi de véhicules et passe par les bastions loyalistes de Tarhuna puis Bani Walid. Environ dix personnes, gardes et assistants, accompagnent le dirigeant dans sa retraite. Séparément, un second convoi transporte Muatassim, l’un des fils du despote, militaire de carrière, qui dirige les troupes encore fidèles à son père. C’est lui qui prend la décision de se barricader à Syrte.

Terré à Syrte, sa ville natale assiégée

Paris Match rapporte qu’à ce moment, la famille n’avait plus d’argent ou de lingots d’or. « On a quitté Tripoli si vite qu’on a pris seulement ce qu’on pouvait porter », avoue Daw.

« Kadhafi était coupé du monde », détaille-t-il. Le seul téléphone par satellite, celui de son fils, servait à communiquer ses discours à la télévision syrienne, après la prise des médias nationaux par les rebelles. « Pourquoi n’a-t-on pas d’électricité ou d’eau? », s’impatientait le dictateur, forcé à une vie de reclus. Sans ordinateur, il passe son temps à lire le coran.

Terrés et acculés au coeur du « district 2 » de Syrte, Kadhafi et sa troupe sont en quelques semaines assiégés par les rebelles. En manque de nourriture, le groupe finit par s’alimenter de pain et d’eau sucrée. Début octobre, Kadhafi réalise que sa chute est inéluctable. « À partir de là, ce fut fini, il attendait la mort », dit son ex-bras droit.

La veille de son décès, son fils Muatassim décide d’une percée et fait charger des pick-ups, avec un léger blindage, d’armes et de carburants.

La fuite vaine et la cachette de l’égout

« Je suis monté avec Kadhafi [à] l’arrière du convoi », explique Daw. Le 20 octobre au matin, ils quittent le centre-ville pour l’ouest. Les rebelles ne réalisent pas immédiatement cette fuite de véhicules, contrairement aux drones de l’Otan. Un missile est tiré et explose à proximité du pick-up. Le choc déclenche les airbags et blesse Kadhafi et Daw à la tête.

Muatassim et ses hommes l’abandonnent. Daw marche avec Kadhafi vers des buses de drainage sous la route, une sorte de tunnels où Kadhafi a finalement été retrouvé. « C’était trop étroit pour nous deux, explique-t-il, alors j’ai fait demi-tour. » Peu après, une équipe de six rebelles découvre leur tyran déchu dans cet égout et le capturent. Muatassim est tué peu après tandis que Daw est arrêté.

Une semaine après, la suite est toujours floue. Daw est aussi formel que les premiers rebelles arrivés sur place. Il n’avait qu’une blessure ¬sérieuse à la tempe gauche et « n’avait plus l’air d’avoir toute sa tête ». Kadhafi meurt peu après sa capture. La cause de sa mort est aujourd’hui l’objet d’une enquête.

Christophe Josset, L’Express.fr

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