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Les dernières heures de Dilma Rousseff…

Le Vif

Une majorité de sénateurs du Brésil ont annoncé qu’ils voteraient pour l’ouverture du procès en destitution de la présidente Dilma Rousseff et donc sa mise à l’écart du pouvoir pendant un maximum de 180 jours, dans la nuit de mercredi à jeudi.

A 03H15 locales (06H15 GMT), 41 sénateurs sur un total de 81 s’étaient prononcés en faveur de la suspension du mandat de Mme Rousseff, accusée de maquillage des comptes publics. Le vote officiel aura lieu dans les prochaines heures.

13 ans de PT

Le plus grand pays d’Amérique latine va tourner la page de 13 ans de gouvernement du Parti des travailleurs (PT) entamée en 2003 par l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, qui a présidé au boom socio-économique brésilien des années 2000.

Réunis depuis mercredi matin pour une session marathon historique à Brasilia, les sénateurs brésiliens se relayaient toujours au coeur de la nuit à la tribune pour sceller le sort de l’impopulaire dirigeante de gauche, accusée de maquillage de comptes publics.

Mais bien avant leur vote électronique final, il ne faisait déjà plus aucun doute qu’une majorité simple de 41 votes serait réunie pour ouvrir le procès de Mme Rousseff et l’écarter du pouvoir pendant un maximum de 180 jours, en attendant leur jugement final.

A 01H00 (04H00 GMT), 34 sénateurs avaient annoncé qu’ils se prononceraient pour le départ de la présidente et 11 seulement contre, sur un total de 81.

Première femme élue présidente du Brésil en 2010, Mme Rousseff, 68 ans, doit s’exprimer jeudi vers 10H00 (13H00 GMT) avant de quitter le palais du Planalto, selon le service de communication du PT interrogé par l’AFP.

Le PT a convoqué élus et militants devant le siège de la présidence à 08H30, sous le mot d’ordre « Nous n’acceptons pas un gouvernement illégitime », pour entourer Dilma Rousseff à sa sortie.

‘Ambiance d’enterrement’

Suspendue de son mandat, Mme Rousseff devrait néanmoins séjourner durant son procès à sa résidence officielle de Brasilia, où elle vit avec sa mère.

Le vice-président Temer, 75 ans, devrait annoncer dans la journée la formation d’un gouvernement axé sur le redressement économique de transition, ont indiqué ses conseillers à l’AFP.

« Une ambiance d’enterrement » régnait à la présidence, où Mme Rousseff a fait emballer ses effets personnels, a confié dans la journée un collaborateur sous couvert d’anonymat.

« L’ambiance est très triste ici », a confirmé une femme travaillant au cabinet de Mme Rousseff en entrant dans le bâtiment, sans doute pour la dernière fois. « Beaucoup d’entre nous cherchons un nouvel emploi. Nous ne voulons pas travailler pour le vice-président », a-t-elle ajouté.

Par craintes d’échauffourées, les autorités avaient érigé des barrières métalliques devant le Sénat pour séparer les manifestants des deux camps. Peine perdue.

L’immense Esplanade des ministères est restée presque déserte du matin au soir.

L’opposition accuse la présidente d’avoir commis un « crime de responsabilité » en maquillant sciemment les comptes publics pour dissimuler l’ampleur des déficits en 2014, année de sa réélection disputée, et en 2015.

Mme Rousseff, ancienne guérillera torturée sous la dictature (1964-85), se défend en soulignant que tous ses prédécesseurs ont eu recours à ces « pédalages budgétaires » sans avoir été inquiétés.

Elle se dit victime d’un « coup d’Etat » institutionnel ourdi par Michel Temer, qui a précipité sa chute en poussant fin mars sa formation, le grand parti centriste PMDB, à claquer la porte de la majorité.

Mme Rousseff a exclu toute démission et se dit déterminée à « lutter par tous les moyens légaux et de combat » contre sa destitution.

Cocktail explosif

Le vote final des sénateurs pourrait intervenir en septembre, entre les jeux Olympiques de Rio de Janeiro (5-21 août) et les élections municipales d’octobre.

De l’avis des analystes, les chances de Mme Rousseff d’échapper à la destitution sont désormais très minces.

Le tout aussi impopulaire Michel Temer, crédité à peine 1% à 2% d’intentions de vote en cas d’élection, va donc probablement diriger le Brésil jusqu’à la fin du mandat en 2018.

Il va hériter du cocktail explosif qui a conduit droit dans le mur Mme Rousseff: la pire récession depuis les années 1930 et l’énorme scandale de corruption Petrobras, aux développements judiciaires imprévisibles, qui éclabousse son propre parti au plus haut niveau.

Il pourra compter dans un premier temps sur le soutien des milieux d’affaires qui espèrent un choc de confiance, et sur celui, prudent, des partis de droite qui ont oeuvré à la destitution de Mme Rousseff.

M. Temer prépare un paquet de mesures libérales et par nature impopulaires qui pourraient jeter les syndicats dans la rue: ajustement budgétaire sévère, réforme du système déficitaire des retraites et de la législation du travail.

Il « va hériter en grande partie de l’insatisfaction des Brésiliens contre la politique traditionnelle qu’il incarne », souligne Thiago Bottino, analyste à la Fondation Getulio Vargas.

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