Les confidences du père de Sarkozy

Il avoue s’être peu penché sur l’éducation de ses fils et ne s’embarrasse guère des priorités de l’Elysée. Extravagant Pál Sarkozy, aristocrate hongrois exilé en France, cavaleur impénitent, dandy flamboyant. Il raconte son parcours dans un livre dont Le Vif/L’Express publie des extraits exclusifs.

Les antisarkozystes primaires en rêveraient : et si l’actuel président de la République était un descendant de Dracula ? En effet, à la fin du xvie siècle, la famille Sarkozy vit en Transylvanie, patrie du plus célèbre des vampires. Mais c’est le 10 septembre 1628 qu’elle naît pour de bon à l’Histoire, avec l’anoblissement de l’ancêtre Mihály pour faits d’armes contre les Turcs.

Aujourd’hui, c’est en France que les Sarkozy sont célèbres. La veille de l’élection de son fils à la présidence, Pál Sarkozy a fêté ses 79 ans : aujourd’hui, il narre son existence dans Tant de vie (Plon), un ouvrage commencé par des pages manuscrites dans un français retranscrit par ce polyglotte selon la phonétique hongroise… Et cela ne manque pas de sel, comme le montrent les extraits exclusifs publiés par Le Vif/L’Express…

Fabuleux parcours que celui de ce jeune Hongrois grandi à la campagne, secoué par la fin de la guerre, débarqué
à 20 ans à Paris, épanoui dans la publicité. Fabuleux parcours et parcours fabuleux, tant les bribes d’autobiographie jusque-là distillées étaient enluminées par ce beau parleur venu de l’Est. Le livre a été l’occasion d’un périple d’archiviste en Hongrie et d’une moisson de précisions bienvenues.

« La vie en rose » : ainsi le père du président voulait-il intituler ses confidences. Avec, en illustration de couverture, teinte en fuchsia, sa photo d’identité de légionnaire, faciès hâve et numéro matricule – 58532 – à la craie. Une jaquette qui aurait fait mouche dans la France de l’identité nationaleà Pál Sarkozy envisagea aussi un portrait coupé en deux, dont une moitié l’aurait représenté en smoking et l’autre avec sa tenue de migrant, en 1948 : képi de légionnaire, veste saisie à la Wehrmacht et pieds nus sanglés de papier. « Pour défendre la France » aurait été le titreà Tant de vie est sans conteste moins provocateur, pour ce livre qui a reçu l’imprimatur élyséen.

L’insolence est coeur de la vie et du caractère de Sarkozy père

Ainsi, racontant son apprentissage du français chez les prémontrés hongrois, grâce à L’Avare, il confie un regret : « La Princesse de Clèves, roman prisé par les Français, n’était pas au programme chez les prémontrés. Dommage, j’aurais fait une admirable Mlle de Chartres. » Son fils, qui brocarda l’allusion au roman de Mlle de Lafayette dans les concours administratifs, a-t-il souri ? Pál, en tout cas, ne manque pas de piquant…

Quel drôle d’oiseau que cet octogénaire fringant qui promène une silhouette toute de prestance ciselée ; aristocrate libertaire, flamboyant égoïste, séducteur impénitent tiré
à quatre épingles, pli de pantalon et sourire impeccables, cambrure vigilante de danseur et pupille incandescente de dandy. Comme le note Frédérique Drouin, qui l’a aidé à mettre sa vie en mots, il y a du Gatsby en lui, un Gatsby de la Mitteleuropa qui plonge dans son verre les glaçons de quelques archaïsmes nobiliaires hongrois, afin de diluer un peu l’alcool fort des audaces de son éternelle jeunesse.

Dans les jours et les nuits de Pál Sarkozy, l’aventure a moins compté que les aventures. Il est, son livre l’atteste, un exceptionnel homme à femmes. « On ne veut pas séduire les autres, on veut se séduire soi-même », philosophe aujourd’hui ce don Juan déguisé en narcisse. Rien d’autre ne l’a mû, en fait, que la quête des tendresses féminines. Eva en ingénue sur une scène de Budapest, Erika dénudée dans une rivière autrichienne, la bouche de Dadue, Melinda en photo : son coeur s’embrase pour un rien…

Les femmes, pas la famille. Vénérant sa mère, « Mutikám », admirant un père dont la brutale disparition, en janvier 1948, le laisse désemparé, Pál est soucieux de son arbre généalogique, mais n’a jamais cultivé le goût de sa propre dynastie, refusant un rôle de paterfamilias qu’endossa à sa place son beau-père, Benedict Mallah, si important pour Nicolas Sarkozy. C’est la première fois que la France a un président dont les deux parents sont en vie, et Pál prend bien garde à ne pas causer de difficultés au président par des jugements déplacés, même s’il refuse de le distinguer de ses quatre autres enfants : « Ils ont tous réussi. »

Pour ce Hongrois qui refusa longtemps de solliciter sa naturalisation française, la conquête de l’Elysée semble surtout incongrue. « Les Sarkozy sont entrés dans l’histoire de la Hongrie, pas encore dans l’histoire de France », confie-t-il. L’ambition lui est, en fait, assez étrangère. « Je voulais, comme dit le proverbe chinois, ne pas laisser plus de traces que le poisson dans l’eau. » C’est raté. La chronique ne peut que s’emparer de cet extravagant M. Sarkozy, drôle et chaleureux.

Après douze années de retraite, « les femmes s’éloignant à cause de l’âge », Pál a renoué avec sa vocation d’artiste. Avec l’aide de Werner Hornung, un comparse armé d’une palette graphique, il peint de longues heures durant. Il sera exposé
à Paris à la fin d’avril, à Bruges à l’automne – ses oeuvres confrontées à celles de Dali, promet-il. Mais il veut aussi, associé
à Me Pierre Cornette de Saint-Cyr, présenter au Palais de Tokyo, à Paris, des peintres hongrois « fin xixe, début XXe ». Et il a très envie de donner suite à un projet de série télé sur sa vieà
« Je n’ai jamais regardé que l’avenir. Et en riant », résume-t-il.


Le jour de son mariage, Jean Sarkozy a confié à son grand-père qu’il espérait faire mentir la malédiction familiale et ne pas divorcer. Pál s’en est montré persuadé puis a calculé dans sa tête qu’une soixantaine d’années de vie commune attendait le jeune couple. Et il a souri, mais sans rien dire…

Christophe barbier

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