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Les cinq clés de la crise politique au Venezuela

Le Vif

Au Venezuela, après le gel du référendum révocatoire contre le président Nicolas Maduro, l’opposition a de moins en moins d’options pour faire partir le dirigeant socialiste, alors que le pays s’enfonce dans la crise politique et économique.

Voici les cinq clés des mois à venir :

La voie institutionnelle

C’est l’option la plus difficile après la décision jeudi du Conseil national électoral (CNE) de suspendre la collecte de signatures prévue la semaine prochaine et devant permettre ensuite de convoquer le référendum.

Le CNE, accusé par l’opposition de jouer le jeu du gouvernement, a invoqué des fraudes commises selon lui par le camp anti-Maduro.

Il avait déjà annoncé mardi, sans explications, le report à 2017 des élections régionales prévues en fin d’année.

Le Tribunal suprême de justice (TSJ), lui aussi réputé proche de l’exécutif, a limité les facultés du Parlement, contrôlé par l’opposition.

Pour la coalition de la Table pour l’unité démocratique (MUD), la justice est « séquestrée » par le chavisme (du nom de l’ex-président Hugo Chavez, 1999-2013) qui contrôle tous les pouvoirs sauf l’Assemblée.

Mais « il est faux de dire que l’on a épuisé toutes les voies institutionnelles et que, sur le plan juridique, il n’y a rien à faire », assure le juriste José Ignacio Hernandez.

Une chose est sûre, toutefois : il est quasiment impossible désormais que Nicolas Maduro soit éjecté du pouvoir par référendum cette année. Et s’il est révoqué en 2017, c’est son vice-président, du même parti, qui terminera son mandat jusqu’en 2019.

La rue

Face aux complexités légales pour obtenir un changement de gouvernement, l’opposition veut miser sur la pression de la rue en surfant sur l’énorme mécontentement populaire suscité par la gestion de Nicolas Maduro, dans un contexte de grave crise économique : 76,5% des habitants la désapprouvent et 62,3% voteraient pour sa révocation, selon l’institut Datanalisis.

Après avoir remporté une large victoire aux élections législatives de décembre dernier, la MUD a fait une démonstration de force le 1er septembre, en mobilisant des centaines de milliers de personnes à Caracas. Mais les manifestations suivantes ont été beaucoup plus modestes.

L’opposition « a montré qu’elle avait un pouvoir de rassemblement, mais les gens ont leur propre critère d’efficacité politique », estime le politologue Luis Salamanca, rappelant que le Vénézuélien se mobilise plus pour voter que pour manifester.

C’est pourquoi l’analyste Luis Vicente Leon considère que la suspension du processus de référendum ôte à la MUD son moteur pour remplir les rues.

« S’il n’y a pas une réaction immédiate et efficace (…), notamment une mobilisation massive, la dictature pure et dure peut s’imposer. Si l’opposition ne réagit pas durement, il n’y aura plus de retour en arrière », prévient aussi l’universitaire Benigno Alarcon.

– Le mécontentement –

Le défi du gouvernement est de contenir le malaise populaire : pour cela, il a lancé une série de mesures pour pallier la crise, qui se traduit par une pénurie de 80% des aliments et médicaments et une inflation estimée par le FMI à 475% cette année puis 1.660% en 2017.

Depuis plusieurs mois, l’exécutif vent des produits subventionnés dans les quartiers populaires et a allégé le contrôle des prix pour donner plus de marge de manoeuvre aux producteurs.

Nicolas Maduro mène par ailleurs campagne auprès des producteurs de pétrole du monde entier pour faire remonter le cours du brut, qui apporte 96% des devises au Venezuela.

La pression internationale

Les critiques les plus dures face à ce qui est perçu comme une dérive autoritaire de Caracas proviennent des Etats-Unis, du Mercosur (le marché commun sud-américain) et l’Espagne.

Le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro, a lui aussi fustigé l’action du gouvernement. L’opposition lui a demandé de faire appliquer la clause démocratique, qui pourrait mener à l’expulsion du Venezuela de l’organisme.

Le facteur militaire

Pour Benigno Alarcon, la décision du CNE peut s’interpréter comme une victoire de la frange la plus radicale du chavisme, courant qui pourrait se déchirer à mesure que s’aggrave la crise.

Il estime que dans ce contexte, les militaires, encore très puissants dans le pays, pourraient jouer le rôle d’arbitre, même s’ils sont restés plutôt discrets dernièrement.

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