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Les Britanniques ont le Brexit blues

Le Vif

Mélancolie persistante, troubles du sommeil, sentiment de frustration, de confusion? Vous êtes britannique? Diagnostic: c’est le Brexit blues.

« On pourrait décrire ça comme une forme de dépression », confie à l’AFP Mick Watson, un partisan du maintien dans l’UE de 41 ans.

« Je n’avais jamais rien ressenti de tel auparavant (…). Mon travail en souffre, ma vie privée en souffre, j’ai le sentiment que mon mode de vie est menacé », ajoute ce chercheur à l’Université d’Edimbourg.

A l’instar d’une guerre ou d’une révolution, le référendum sur la place du Royaume-Uni dans l’Union européenne fait partie de ces grands bouleversements susceptibles de marquer profondément et durablement l’histoire d’un peuple et d’une nation.

La victoire du « Leave » a laissé un pays coupé en deux: 17,4 millions d’électeurs ont voté pour quitter l’UE, 16,1 millions pour y rester, certains vivant comme un véritable traumatisme l’adieu au projet européen.

Reste une formidable frustration, une sensation de vide, de manque, comme si une présence familière s’était subitement évanouie.

Si les symptômes rencontrés sont « multiples », « l’incertitude » est le sentiment dominant, explique à l’AFP le Dr Jay Watts, de la Queen Mary University de Londres.

‘Pire qu’un divorce’

« Il y a d’abord le choc et le sentiment de trahison ressentis par les électeurs du maintien qui pour beaucoup ne se reconnaissent plus dans le Royaume-Uni dans lequel ils vivent », développe-t-elle.

Mais le mal, ajoute la praticienne, touche aussi les pro-Brexit, « exaspérés d’être dénigrés » pour leur choix, et qui se sentent aussi parfois « coupables d’avoir voté pour une promesse d’espoirs (…) qui ne s’est pas réalisée ».

Ce à quoi il faut ajouter un facteur aggravant: le « caractère irréversible » du référendum, « qui fait que d’une certaine manière, c’est pire qu’un divorce », souligne Will Davies, un chercheur de l’université Goldsmiths, à Londres.

Cette perte de repères, cette sensation de ne plus reconnaître son propre pays, c’est ce que traverse l’acteur américano-britannique David Schaal (Les Boloss, The Office – version britannique).

« Je me réveille la nuit, inquiet pour le futur du pays et la manière dont je vais pouvoir m’y intégrer », dit-il à l’AFP.

« Ce n’était pas juste un vote pour sortir de l’Europe. C’était un vote sur notre identité nationale. C’est comme si nous avions perdu la tolérance et la justice qui, d’après moi, faisaient du Royaume-Uni ce qu’il est », dit-il en pointant du doigt ceux qui pendant la campagne ont mis sur le dos de l’immigration tous les maux du pays.

D’autres s’épanchent sur les réseaux sociaux, usant d’un humour désabusé pour exorciser leurs démons.

« Je travaille en pyjama pour la TOUTE PREMIERE fois. Je crois que j’ai le #Brexitblues », dit Lucy Mann sur Twitter.

« J’ai résisté à la tentation de prendre dans mes bras le livreur polonais pour lui dire que je l’apprécie toujours », tweete Charlotte Day.

Quand l’appétit va…

La déprime gagne aussi les immigrés européens, pleins de doutes quant à ce Royaume-Uni qui ne leur paraît plus si prompt à leur ouvrir les bras.

« J’oscille entre l’abattement, la colère, la tristesse, l’inquiétude, l’espoir », écrit Aurore Valantin, une Française de 37 ans installée à Worthing (sud de l’Angleterre), sur son blog, « Croqlife ».

« En tant qu’étranger vivant dans un pays, on a pas eu le droit de vote, on se sent vraiment impuissants », dit-elle à l’AFP. « J’ai des amis très proches qui ont réellement des symptômes physiques et psychologiques. J’ai une amie qui ne mange quasiment plus, qui a perdu du poids, qui hésite entre prendre du Valium et se mettre à boire », ajoute-t-elle.

Pas question pour autant de plier bagages, poursuit Aurore, qui préfère « noyer son chagrin » en racontant sur son blog cette Angleterre qu’elle aime tant, sa culture de « tolérance et d’excentricité », et « qui ne ressemble en rien à celle qui se profile suite à la victoire » des pro-Brexit.

Pour « combattre le Brexit blues », le quotidien Evening Standard recommande lui de se tourner vers… l’Europe, ou en tout cas vers sa gastronomie, et donne une liste de restaurants londoniens où l’on peut déguster du vin français, de la mamaliga (plat à base de polenta) roumaine ou encore des tapas espagnoles.

Ou comme on aime à le dire au Royaume-Uni: « Keep calm and carry on » (« Gardez votre calme et tenez bon »).

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