© Reuters

Les Britanniques et l’Europe: les racines d’un désamour

Le Vif

Au Royaume-Uni, l’euroscepticisme est particulièrement virulent, pour des raisons à la fois historiques, identitaires, politiques et conjoncturelles, amenant le pays à remettre sans cesse en cause sa relation avec l’Union européenne jugée trop envahissante.

Certes, ce sentiment de défiance vis-à-vis de l’UE n’est pas l’apanage des Britanniques. Mais l’euroscepticisme -terme inventé au milieu des années 1980 par le quotidien The Times- « semble être beaucoup plus viscéral, instinctif et émotionnel » au Royaume-Uni, observe Oliver Daddow, professeur à l’université de Chichester.

Il s’enracine notamment dans l’histoire des îles britanniques, depuis longtemps tournées vers le monde sur lequel elles ont partiellement régné, et qui ont longtemps considéré -sinon combattu- l’Europe comme « l’autre ».

« L’Union européenne est perçue comme incompatible avec l’identité britannique, à tort ou à raison », dit M. Daddow.

Fort d’une chambre des Communes célébrée comme « la Mère des Parlements », et sorti vainqueur de la Seconde Guerre mondiale sans avoir été envahi, le Royaume-Uni cultive un véritable sentiment de fierté envers son système politique, parfois pris pour de l’arrogance.

De là découle la difficulté à accepter la dimension politique grandissante de l’UE. Beaucoup de Britanniques ont la sensation d’une tromperie sur la marchandise, après avoir dit « oui » à plus de 67% au marché commun en 1975, lors du dernier (et seul) référendum sur l’Europe organisé au Royaume-Uni.

Les problèmes viennent d’Europe

« Le Royaume-Uni voit son adhésion à l’UE comme un moyen pour atteindre un objectif, et cet objectif est la prospérité économique, pas l’intégration politique », confirme Tim Oliver, chercheur à la London School of Economics (LSE).

Londres, qui a lutté pendant près de 15 ans pour intégrer le marché commun, essuyant deux vetos du général de Gaulle, a ensuite multiplié les dérogations sur des sujets comme la libre circulation des personnes ou l’euro. Avant de remettre en cause les atouts économiques de l’UE dans la foulée de la crise financière.

« La crise de la zone euro fait que l’Europe est associée à un chômage élevé, à des partis populistes désagréables, à des échecs économiques et à un mauvais leadership », juge Charles Grant, directeur du Centre for European Reform (CER).

De quoi donner raison à l’ancien Premier ministre conservateur Margaret Thatcher qui disait que tous les problèmes venaient d’Europe tandis que toutes les solutions venaient du monde anglo-saxon.

L’Europe est également associée à l’immigration, « le plus important problème dans la politique britannique actuellement », poursuit M. Grant.

Le parti europhobe Ukip, grand vainqueur des élections européennes de 2014, « a lié de manière très habile l’immigration à l’UE si bien que les électeurs associent maintenant les deux sujets, même si en réalité il y a plus d’immigrés non-Européens que d’immigrés Européens ».

Presse eurosceptique

La presse britannique, largement eurosceptique voire europhobe pour certains titres, ne se gêne pas pour cultiver ces clichés. « Les médias véhiculent les idées de la droite conservatrice et s’appuient sur des images de l’Empire, de la grandeur de la Grande-Bretagne et de la guerre », détaille M. Daddow. « La perception britannique est que l’UE est dirigée par les Allemands et les Français à leur avantage et contre nos intérêts. C’est parfois vrai mais c’est souvent faux », abonde M. Grant.

De son côté, la classe politique est relativement divisée sur le sujet. On trouve des eurosceptiques aussi bien au Parti travailliste qu’au Parti conservateur mais ce thème est surtout toxique chez ce dernier. C’est d’ailleurs sous pression de l’aile eurosceptique de son parti que David Cameron s’est résolu à promettre, en 2013, le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE. « La relation avec l’Europe a empoisonné la vie politique britannique depuis trop longtemps (…) et presque détruit le Parti conservateur », avait rappelé en 2013 l’ancien Premier ministre John Major, pro-UE.

« Il est temps de régler la question », estimait-il, approuvant la tenue d’un référendum. Selon les derniers sondages, les partisans d’une sortie de l’UE creusent l’écart. « Le problème avec le référendum, c’est que les arguments en faveur (de rester) sont compliqués, numériques et rationnels tandis que les arguments contre sont simples, émotionnels et romantiques: voulez-vous être gouvernés par des étrangers ou non? », souligne M. Grant.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire