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Les bêtes noires de Vladimir Poutine

Le Vif

Craignant des poursuites, l’opposant Garry Kasparov a annoncé ne pas vouloir rentrer en Russie alors que s’ouvre ce jeudi le procès de 12 opposants à Moscou. Le point sur les dernières cibles Poutine.

Alors que s’ouvre ce jeudi à Moscou le procès de 12 opposants qui risquent jusqu’à 8 ans de camp pour des heurts lors d’une manifestation contre Vladimir Poutine, l’opposant et ancien champion d’échecs Garry Kasparov a déclaré vouloir rester à l’étranger, selon une vidéo postée jeudi sur son site. Selon l’un de ses proches cité par le Moscow Times, l’opposant a été convoqué par les enquêteurs russes comme témoin dans le cadre de l’enquête sur la manifestation du 6 mai 2012 place Bolotnaïa, à la veille de l’investiture au Kremlin de Vladimir Poutine, à laquelle il avait participé.

Emblématique d’une répression redoutée, cette déclaration de Garry Kasparov fait écho à la vague de répression que subissent les anti-Poutine depuis son retour au Kremlin. En en an, l’ancien agent du KGB a réussi à museler l’opposition à coups de perquisitions, interpellations et arrestations d’opposants, anonymes ou figures de proue du mouvement. Voici ses dernières cibles, en plus des Pussy Riot.

L’institut de sondage Levada

Le seul institut de sondage russe indépendant, le Centre Levada, a annoncé le 20 mai dernier qu’il pourrait mettre la clé sous la porte en raison de pressions du parquet, qui considère ses études d’opinion comme une forme « d’activité politique ».

Le parquet de Moscou a fait valoir que l’institut, enregistré en tant qu’ONG, recevait des financements de l’étranger et par conséquent devait s’inscrire au nouveau registre des « agents de l’étranger », comme l’exige une loi adoptée en 2012, sous peine de sanctions administratives. Cet avertissement place l’institut « dans une situation extrêmement difficile, le forçant pratiquement à mettre fin à ses activités comme organisation indépendante », a déclaré dans un communiqué le directeur du centre, Lev Goudkov.

L’écrivain Edouard Limonov

L’écrivain russe Edouard Limonov a été interpellé le 31 mai 2013 pour avoir tenté de participer à un rassemblement non autorisé à Moscou avec une quinzaine d’autres opposants. Une cinquantaine de personnes avait tenté de se rassembler sur la place Trioumfalnaïa, dans le centre de la capitale pour défendre, comme tous les 31 des mois, l’article 31 de la Constitution qui garantit la liberté de rassemblement. Certains brandissaient des pancartes avec le slogan « Liberté pour les prisonniers politiques ! », d’autres brandissaient des drapeaux noirs portant le chiffre « 31 » en blanc.

L’économiste Sergueï Gouriev

L’économiste libéral réputé a fui la Russie pour la France après avoir été interrogé sur l’affaire de l’ex-patron du pétrolier Ioukos et opposant au Kremlin, Mikhaïl Khodorkovski. En détention depuis 2003, l’ex-patron a été condamné en 2010 à six années supplémentaires de prison pour « vol de pétrole et blanchiment ». L’économiste avait jugé la détention de l’ex-patron « injustifiée ».
Sergueï Gouriev, recteur de la Nouvelle école d’économie de Russie, un établissement privé à Moscou, était parmi les experts indépendants chargés par le Conseil pour les droits de l’Homme auprès du Kremlin d’étudier le bien-fondé de cette deuxième condamnation. A l’issue de l’examen du dossier de Mikhaïl Khodorkovski, l’économiste, comme la plupart de ses collègues, a conclu que le rallongement de la peine était infondé. « Le texte du jugement ne comporte pas de preuves convaincantes de la culpabilité des prévenus », avait souligné Sergueï Gouriev dans ses conclusions, publiées en février 2012 dans l’hebdomadaire New Times.

Selon le quotidien économique Vedomosti, l’économiste pourrait « être inculpé d’entrave à la justice » dans l’affaire Ioukos, même si les enquêteurs n’ont pas tenu compte à l’époque des conclusions des experts. D’après les enquêteurs, le travail de ces experts aurait été financé par « de l’argent venant de l’étranger ». Sergueï Gouriev serait ainsi soupçonné d’avoir reçu de l’argent des Etats-Unis pour présenter une conclusion favorable à Khodorkovski
L’économiste a par ailleurs fait état publiquement de son soutien à l’opposant numéro un à Vladimir Poutine, l’avocat et pourfendeur de la corruption Alexeï Navalny.

Le blogueur Alexeï Navalny

L’opposant et blogueur Alexeï Navalny, est lui aussi passible de dix ans de camp pour « détournement de fonds » et « constitution de bande criminelle ». Il est accusé d’avoir organisé en 2009 le détournement de 16 millions de roubles (400 000 euros) au détriment d’une exploitation forestière, alors qu’il était consultant du gouverneur de la région.

L’avocat de 36 ans, pourfendeur de la corruption du gouvernement Poutine, est l’une des figures de proue de la contestation née après les législatives de décembre 2011. Alexeï Navalny dénonce, dans cette accusation, une « vengeance politique ».
Depuis quelques mois l’opposant croule sous divers chefs d’accusations. Une enquête pour escroquerie a été ouverte contre lui et son frère Oleg, pour avoir causé un préjudice de quelque 95000 euros à une entreprise à laquelle ils auraient facturé des services « à des prix surévalués ». Là aussi, la peine maximale prévue est de dix ans de camp. L’opposant est par ailleurs accusé d’avoir détourné 2,5 millions d’euros du parti libéral SPS. Un des anciens dirigeants de ce parti, Boris Nemtsov, a affirmé qu’aucune plainte n’avait été déposée pour de tels faits. Alexeï Navalny a également été inculpé d’escroquerie et de blanchiment d’argent dans une autre affaire impliquant son frère. Enfin il est accusé d’avoir usurpé son statut d’avocat.

Le gauchiste Sergueï Oudaltsov

Assigné à résidence jusqu’au 6 aout, Sergueï Oudaltsov, leader du Front de gauche encourt jusqu’à dix ans de prison. L’enquête ouverte à son encontre s’appuie sur un film diffusé par la télévision pro-Kremlin NTV. Sur la foi d’images tournées en caméra cachée et d’origine douteuse, ce film affirme que des opposants, parmi lesquels Sergueï Oudaltsov, se préparaient à renverser le gouvernement par la force. Il est aussi poursuivi pour participation à des « troubles massifs » au cours de la manifestation du 6 mai 2012. La manifestation avait dégénéré en affrontements avec la police. Vladimir Poutine n’avait pas apprécié que soit ainsi gâchée la cérémonie célébrant son retour au pouvoir.

Des dirigeants de l’opposition, parmi lesquels le libéral-nationaliste Alexeï Navalny, avaient été interpellés à l’issue de cette manifestation, avec quelque 400 autres manifestants. Sergueï Oudaltsov a rejoint, à partir de 2006, l’appel à des actions communes avec la coalition « L’autre Russie » sous la houlette de Garry Kasparov, Edouard Limonov, Mikhail Kassianov et Vladimir Ryjkov, qui organisent des « marches du désaccord ».

L’activiste Leonid Razvozjaev

L’opposant proche de Sergueï Oudaltsov est lui aussi soupçonné de « préparation à l’organisation de troubles massifs » dans le cadre de l’enquête ouverte après la diffusion du film ‘Anatomie d’une protestation 2+’ sur la chaine pro-Kremlin NTV. Le membre du Front de Gauche, a affirmé avoir été enlevé à Kiev, en Ukraine, où il voulait demander le statut de réfugié politique. Soumis à la torture, il confie avoir craqué après que ses geôliers l’aient menacé de lui injecter un « sérum de vérité ». Traumatisé l’opposant raconte avoir « écrit, menotté, une reconnaissance de culpabilité. Il est dit que j’ai travaillé avec les services spéciaux étrangers ».

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