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Les Belgo-Syriens dans l’angoisse permanente

On parle beaucoup des Belges qui partent combattre en Syrie. Beaucoup moins des Belgo-Syriens qui vivent chez nous dans l’effarement face à la guerre qui ravage leur pays d’origine. L’exemple avec Haifa Rachid, de Louvain-la-Neuve.

La guerre en Syrie peut sembler lointaine. Pour beaucoup de Belgo-Syriens vivant dans notre pays, elle est au contraire très proche et source d’angoisses sans fin : perte d’êtres chers, pays ravagé, impossibilité de rentrer au pays, menaces sur la coexistence entre les différentes communautés… Haifa Rachid, jeune employée résidant à Louvain-la-Neuve, est dans ce cas. Sa tante Rafa a été tuée dans la ville martyre d’Alep (nord de la Syrie) le 15 janvier dernier. Et depuis le 26 janvier, elle n’a plus de nouvelles de son oncle Naser Kataia.
Ce père de quatre enfants réside également à Alep. Il y gère une des rares pharmacies, située dans la zone centrale sous contrôle du régime. « Deux hommes en civil sont entrés dans le magasin, et l’ont obligé à monter dans une auto, raconte Haifa, qui s’est entretenu avec son cousin qui était présent sur les lieux. Ensuite, ils sont passés par la maison de mon oncle, afin d’emporter son ordinateur ». Sa femme était présente, mais les époux n’ont pu échanger aucun mot. Au téléphone avec Haifa, elle a jugé plus prudent de ne rien raconter.

Enlèvement par des sbires du régime ? « Mais pour quelle raison ? se demande sa nièce. Il refusait de prendre parti et il se ne sentait pas menacé ». Sa famille était honorablement connue dans tout Alep. Par attachement à ses racines, il a préféré rester dans sa ville que subir les affres de l’exil. Quand il a sollicité en octobre 2012 un visa pour se rendre en Belgique, ce n’était pas en tant que réfugié mais comme touriste, pour revoir brièvement ses proches. Il pouvait attester de garanties financières. Démarche vaine : le visa lui a été refusé.
Autre scénario possible, un enlèvement contre rançon, une pratique devenue courante en Syrie. La situation financière de Naser Kataia, un des rares Alépins à garder encore son travail, a pu donner des idées à certains. La cousine de Haifa a elle-même été enlevée en 2013 à Alep, puis relâchée après versement d’une somme évaluée à 20.000 euros. « Nous avons déjà eu toutes les difficultés à réunir cette somme, et si maintenant on nous réclame encore la même chose, que ferons-nous ? », s’inquiète-t-elle.

Capitale économique de la Syrie, la ville était restée calme jusqu’en juillet 2012. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), proche de l’opposition, l’armée a multiplié ces dernières semaines des largages de barils d’explosifs sur des secteurs rebelles dans l’est d’Alep, causant la mort de 250 personnes, dont 73 enfants. De son côté, l’agence officielle syrienne Sana rapporte quotidiennement, et de façon détaillée, l’élimination de « terroristes » à Alep et la destruction de véhicules chargés d’armes et de munitions.
D’après des chiffres officieux, plus de 136.000 personnes auraient péri depuis le début du conflit en avril 2011. Plusieurs millions ont fui leur foyer, en se réfugiant dans les pays voisins ou, pour la plupart, dans des lieux plus sécurisés à l’intérieur même de la Syrie.

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