Les Alpes sont-elles plus dangereuses cet hiver ?

Le Vif

L’avalanche qui a emporté cinq légionnaires lundi à Valfréjus porte à 12 le nombre de tués dans les Alpes françaises depuis le début de l’hiver: une série noire qui s’explique en partie par la météo, mais aussi de probables imprudences. Le point en quatre questions.

POURQUOI CES AVALANCHES A RÉPÉTITION ?

L’instabilité du manteau neigeux est la conséquence d’un automne très doux. « La neige est tombée fin novembre sur un sol chaud puis a subi des métamorphoses. Les grains de neige de la sous-couche sont sans cohésion: c’est du gros sel, quelque chose qui n’adhère ni au sol ni à la neige qui lui tombe dessus », explique Dominique Létang, directeur de l’Association Nationale pour l’Étude de la Neige et des Avalanches (Anena). « Cette sous-couche, si l’on met un poids dessus, ça ne demande qu’à partir », complète le spécialiste dont l’association avait lancé un appel à la vigilance trois jours avant le drame de Valfréjus, survenu alors que le risque d’avalanche était de trois (« marqué ») sur une échelle de cinq dans le massif des Cerces.

LES ALPES SONT-ELLES PLUS DANGEREUSES CET HIVER ?

L’avalanche de Valfréjus porte à 12 le nombre de tués depuis le 1er janvier, moins d’une semaine après celle des Deux Alpes, où deux lycéens lyonnais et un touriste ukrainien sont morts. A pareille époque l’an dernier, sept personnes avaient trouvé la mort sur les sommets alpins depuis le début de saison. Mais dès le 24 janvier 2015, la liste s’allongeait avec le décès de six skieurs aguerris dans une avalanche à Ceillac, dans le massif du Queyras. Selon un recensement de l’Anena entre 1971 et 2011, le nombre d’accidents d’avalanches mortels s’élève en moyenne à 21, pour 30 décès par an: sur la période, « la fréquentation des espaces enneigés non sécurisés a explosé. Mais le nombre d’accidents mortels et de décès n’a pas suivi la même tendance », souligne M. Létang.

POURQUOI LE BILAN DE VALFREJUS EST-IL SI LOURD ?

« Pour l’instant, on essaye de comprendre ce qui s’est passé et comment », a déclaré à l’AFP le procureur d’Albertville, Jean-Pascal Violet, qui a ouvert une enquête. Un expert en nivologie a été désigné et est attendu sur les lieux du drame. L’avalanche qui a emporté 13 skieurs sur un groupe d’une cinquantaine de militaires du 2e régiment étranger de génie de Saint-Christol (sud) mesurait, selon un officier de police, « 400 mètres de large sur 250 mètres de dénivelé. La cassure, au point de déclenchement de la coulée, est d’1,80 mètre ». « On est interpellé par le nombre d’emportés. Les gens doivent respecter une grande distance de sécurité quand il y a une instabilité du manteau neigeux. L’avalanche, on ne l’évitera pas, mais il n’y aura qu’un seul emporté et non 13 », commente le directeur de l’Anena.

QUELLES SUITES JUDICIAIRES ?

Les avalanches mortelles ne débouchent pas nécessairement sur des poursuites judiciaires lorsque les victimes évoluent hors des pistes balisées. Comme l’a rappelé le procureur de Grenoble, Jean-Yves Coquillat, après le drame des Deux Alpes, « le ski hors piste n’est pas interdit ». Pour cette dernière avalanche fatale à deux élèves qu’il accompagnait sur une piste fermée, un professeur a cependant été inculpé pour homicides involontaires. « Il peut y avoir des responsabilités en cascade », a complété le magistrat. Le cas de Valfréjus relève de l’accident du travail pour ces militaires aguerris qui participaient à un entraînement. Si une infraction pénale devait être révélée, le parquet militaire de Lyon serait saisi. En 2012, un légionnaire du même régiment avait déjà trouvé la mort, emporté par une avalanche avec quatre autres soldats, lors d’un exercice à Valloire.

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