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Leïla Ben Ali dénonce le « coup d’Etat » à l’origine de la chute de son mari

Leïla Ben Ali, la femme du dirigeant tunisien déchu, dénonce un « coup d’Etat planifié » qui a abouti à la chute du régime de son mari le 14 janvier 2011, dans « Ma vérité », livre-témoignage paru jeudi en France dans lequel elle affirme être prête à affronter la justice de son pays.

Silencieuse depuis son départ en exil en Arabie Saoudite avec son mari, Leïla Ben Ali, 55 ans, donne son interprétation de la « révolution de jasmin » (un terme qu’elle n’utilise jamais) qui a mis un terme à 23 ans de pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali.

Elle consacre une bonne partie de l’ouvrage à revenir sur la journée du 14 janvier 2011, dans laquelle elle voit l’aboutissement d’un « complot » mené par l’armée et le chef de la garde prétorienne du régime, Ali Seriati, après un mois de protestation populaire.

Leïla Ben Ali en retrace ainsi les étapes : « embrigadement des foules, distribution d’argent dans les quartiers pauvres, recrutement de snipers (tireurs d’élite), intensification des protestations via des assassinats ciblés, incendie de maisons… ».

« Mon mari était persuadé qu’il pourrait rentrer dès le lendemain matin »

Avec comme aboutissement l’embarquement de Ben Ali pour l’Arabie Saoudite : « Sans l’insistance de Seriati, le Président ne serait jamais monté dans l’avion (…), même une fois dans les airs, mon mari était persuadé qu’il pourrait rentrer dès le lendemain matin », assure Leïla Ben Ali dans ce livre réalisé à partir d’entretiens menés par Skype par le journaliste Yves Derai.

Si elle s’en prend abondamment à Ali Seriati, aujourd’hui en prison, Leïla Ben Ali se contente de sous-entendus pour mettre en cause l’armée tunisienne dans la chute du régime.

Leïla Ben Ali, dont une photo (lunettes noires, foulard blanc) orne la couverture, revient aussi sur son enfance de « fille du peuple », sa première rencontre avec Ben Ali, de 21 ans son aîné. Elle dément « la rumeur selon laquelle j’aurai exercé le métier de coiffeuse » et les amants qu’on lui a prêtés.

Elle réfute également le « mythe de la régente de Carthage », qui la présente comme une première dame assoiffée de pouvoir et d’argent, tout en reconnaissant des « fautes flagrantes » dans sa famille, les Trabelsi, dont le nom est particulièrement honni en Tunisie.

« Nous avons été le talon d’Achille du Président »

« J’ai aidé ma famille à vivre plus à l’aise (…) parmi les miens, quelques uns ont exagéré, souvent les plus jeunes qui se laissaient aller à leur appétit de profit et refusaient d’en admettre les limites », écrit-elle, tout en soulignant que « Ben Ali a laissé le pays dans un état économique que toute la région jalousait ». « Ces faiblesses et ces errements de ma famille ont été amplifiés à l’extérieur et utilisés avec un seul objectif : faire tomber le régime de Ben Ali (…). Nous avons été le talon d’Achille du Président »,

regrette-t-elle.

Alors que son mari a déjà cumulé de nombreuses condamnations pour homicides, détournements de fonds, trafic de drogue et abus de biens publics et que tous deux font l’objet d’un mandat d’arrêt international, Leïla Trabelsi se dit prête à affronter la justice de son pays… à ses conditions. « De faux procès nous ont désignés à la vindicte générale, menés par ceux-là même qui la veille se faisaient les chantres du régime (…). Quand à nous, nous aurions été prêts à nous confronter à la justice de notre pays, et nous le serons demain encore, si l’on nous garantit l’impartialité des jugements et la légitimité de ceux qui en auront la charge », assure-t-elle.

Leïla Trabelsi se fait discrète sur sa vie quotidienne en Arabie Saoudite : « Je passe le plus clair de mon temps à m’occuper de mon mari et de mes enfants (…). Je sors rarement, je ne fréquente personne et je vis au rythme de la prière ».

En Tunisie, où l’éditeur prévoit dans un premier temps de placer 3.000 copies, le témoignage de l’ancienne Première dame est attendu avec curiosité : « Je veux savoir à quoi ressemblait sa vie, ce qui s’est passé le 14 janvier… Nous voulons savoir tout ce qui s’est passé, surtout quand elle parle de complot », explique Abdessatar Néji, employé à Tunisair.

Mais le seul nom de Leïla Ben Ali suscite toujours les passions : « c’est un tissu de mensonges, c’est pourquoi on a choisi de ne pas l’exposer dans nos rayonnages. On va l’importer, mais il ne sera jamais exposé dans nos vitrines », promet Selma Jabbes, directrice de la librairie El Kitab à Tunis.

Le Vif.be, avec Belga

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