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Législatives en Grèce: l’extrême droite au parlement?

Les mouvements d’extrême droite semblent profiter de la crise économique, sociale, politique et identitaire qui frappe la Grèce, 38 ans après la chute de la dictature des colonels.

Alors que les électeurs se rendent aux urnes ce dimanche pour renouveler leur Parlement, leur poussée inquiète les partis traditionnels.

En Grèce, l’un des effets de la crise est la montée incontestable de l’extrême droite. Créditées à 8% dans les sondages, les deux formations qui la composent, LAOS et L’Aube dorée, devraient même entrer au parlement à l’occasion des élections législatives, ce dimanche 6 mai.

« A la chute de la junte, en 1974, l’extrême droite était quasi-inexistante, composée de quelques monarchistes et de nostalgiques du régime des colonels. Il existait un vide dans le paysage politique grec jusqu’à la création du LAOS (ou ‘alerte populaire orthodoxe’) en 2000 », explique Michalis Spourdalakis, professeur de sciences politiques à l’université d’Athènes.
Le LAOS est proche de la « droite populiste » d’Europe du Nord, notamment du Front national en France et de la Ligue du Nord en Italie. Le parti prône l’arrêt de l’immigration, s’oppose à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne et à la reconnaissance de la Macédoine sous son nom actuel, appellation qu’il considère comme faisant partie de l’histoire grecque. En 2000, ses sympathisants ont manifesté contre la disparition de la mention de l’origine religieuse orthodoxe sur les papiers d’identité. Deux ans plus tard, à la surprise générale, le mouvement avait rassemblé 13,7% des voix aux élections municipales dans la circonscription d’Athènes-Le Pirée. Refusant l’étiquette d’extrême droite, son dirigeant charismatique, Georges Karatzaféris, avait engagé, en 2007, les membres à signer une charte s’opposant « à tout phénomène de racisme, d’intolérance et d’antisémitisme ».

Une organisation paramilitaire sévit à Athènes

En novembre 2011, l’extrême droite a fait un retour remarqué dans le gouvernement d’union nationale: deux députés du LAOS, Makis Voridis et Adonis Georgiadis, ont été nommés respectivement ministre des Transports et secrétaire d’Etat au Développement et à la marine marchande. A la signature du second plan de redressement, en février dernier, le parti a décidé de quitter le gouvernement. Pour Michalis Spourdalakis, « la collaboration du LAOS l’a affaibli et a conduit ses électeurs à se rapprocher d’un parti bien plus dangereux, L’Aube dorée (Chryssi Avgi) ».
L’Aube dorée est un parti néo-nazi dont le symbole ressemble à une swastika. Anti-européen, xénophobe, machiste, il se réfère plus à la Grèce antique qu’au monde germanique et exploite, d’ailleurs, le sentiment anti-allemand qui se répand dans la société grecque en raison de l’intransigeance de Berlin sur la mise en oeuvre des mesures d’austérité. Les leaders du parti prétendent qu’ils sont soutenus par 12 000 personnes.

L’Aube dorée est bien connue des Grecs: cette formation politique est, en fait, l’émanation d’une organisation paramilitaire qui sévit dans le centre d’Athènes depuis le début des années 2000. Autour de l’église d’Agios Panteleimonas, des miliciens s’en prennent régulièrement à des immigrés. En septembre dernier, un jeune Afghan avait même été poignardé dans ce quartier. Le procès des agresseurs ne cesse d’être reporté… Ces chasses aux étrangers se déroulent dans la quasi-impunité. « Beaucoup de policiers sont eux-mêmes membres de l’Aube dorée », précise Michalis Spourdalakis. Le ministre de la Protection du citoyen, Michalis Chrysochoidis, affirme que, lors de sa prise de fonction en 2009, il avait appris que « des partisans de l’Aube dorée et un certain nombre de fascistes préparaient des actions pour assister la police ».

« Refaire d’Athènes une ville grecque »

Selon Michalis Spourdalakis, « l’organisation a trouvé le bon moment pour opérer sa transformation en parti politique. Elle avait le public pour, surtout dans ces quartiers du centre d’Athènes ». En novembre 2010, Nikolaos Michaoliakos, chef du mouvement, a été élu au conseil municipal d’Athènes avec le slogan: « Refaire d’Athènes une ville grecque ».

Neuf clandestins sur dix passent par la Grèce pour pénétrer dans l’Union Européenne. En raison de sa position géographique, le pays a vu affluer, ces dernières années, des immigrés de Moyen-Orient et d’Afrique subsaharienne. Beaucoup ne souhaitent pas rester, mais se retrouvent bloqués à Athènes en raison de la réglementation européenne. L’Aube dorée « s’est faite une place sur la scène politique parce qu’ il n’y avait pas de politique d’immigration en Grèce. Pendant des années, il n’y avait pas de refuges, pas de contrôle des papiers, pas d’aides médicales », souligne Michalis Spourdalakis. La situation dans la capitale a empiré avec la crise car ces migrants ne trouvent pas de travail. La criminalité ne cesse d’augmenter et ils sont montrés du doigt par l’extrême droite. Elias Kasidiris, un des dirigeants de l’Aube dorée, propose même de réinstaller les champs de mines anti-personnel à la frontière avec la Turquie pour stopper définitivement l’arrivée des clandestins.

La montée de ce parti néo-nazi, à quelques semaines des élections législatives, a poussé les partis traditionnels à prendre position sur le sujet de l’immigration. Michalis Chrysochoidis, ministre (socialiste) de la Protection du citoyen, a annoncé l’ouverture prochaine de centres de détention pour les immigrés illégaux. Andreas Loverdos, Ministre de la Santé, a, quant à lui, provoqué une polémique: les sans-papiers devraient désormais passer des examens médicaux pour les maladies contagieuses. Le LAOS s’est déclaré favorable aux « expulsions massives d’immigrés illégaux, seule condition à la reprise économique du pays ».

« Le besoin des Grecs de retrouver une fierté nationale »
L’Aube dorée exploite, surtout, le mécontentement et le repli identitaire liés à la crise. « La crise économique a provoqué un véritable chamboulement de la scène politique. Les Grecs s’éloignent des partis traditionnels. Les électeurs qui votent pour l’Aube dorée ne connaissent pas son programme… C’est un vote protestataire », commente Michalis Spourdalakis. Le mouvement séduit par son refus de payer les dettes, par son projet de nationalisation des banques et sa volonté de sortir de la zone euro. Selon le professeur de sciences politiques, le parti « joue aussi sur le besoin des Grecs de retrouver une fierté nationale, mise à mal par la crise ».

L’extrême droite ne cesse de gagner du terrain en Europe ces dernières années et l’action de milices, rattachées à des partis néo-nazis, n’est pas une exception grecque. En Italie, un militant du mouvement d’extrême droite, CasaPound, avait, en décembre dernier, tué deux vendeurs ambulants sénégalais à Florence. En Hongrie, la milice du parti néofasciste Jobbik, « la Garde hongroise », pratique la chasse aux Roms dans le Nord-Est du pays où la communauté est la plus importante.

Par Marina Rafenberg, L’Express

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