© Capture d'écran du site Ansar al Haqq

Le Web jihadiste pleure Mohammed Merah

Depuis jeudi, la mort de Mohammed Merah déchaîne les passions sur les sites islamistes radicaux. Sur Ansar al Haqq, l’un des rares en français et d’accès public, les commentaires balancent entre condoléances envers sa famille et admiration pour ce « lion » (sic) qui a tué sept personnes à Toulouse et Montauban, dont trois enfants juifs. Ce genre de défouloir extrémiste peut-il exercer une influence décisive sur les vocations terroristes, comme semble le croire le président français Nicolas Sarkozy, qui propose d’en pénaliser la consultation ? Ce n’est pas l’avis de Claude Moniquet, ancien journaliste, ex-agent des services secrets français et fondateur en 2002 du Centre européen de recherche, d’analyse et de conseils en matière stratégique (ESICS).

Que pensez-vous de ce genre de site ?

Je ne connais pas très bien ceux en français. Au Centre, nous suivons surtout ceux en arabe, qui sont les plus intéressants. Ceux-là sont protégés par un mot de passe qui s’échange sur des forums eux-mêmes peu faciles à trouver. Très régulièrement, ces sites sont fermés et changent d’adresse. Depuis six ans que nous effectuons un monitoring permanent, ceux qu’on suit ont déjà parfois changé de nom une centaine de fois.

Que peut-on y trouver ?

Beaucoup de choses. Il existe des forums généralistes sur lesquels des gens plus ou moins excités vont échanger leur vision de l’islam, laquelle est toujours extrémiste. Ce ne sont pas des sites de musulmans normaux. On y discute de doctrine, mais toujours d’un point de vue biaisé qui n’est pas reconnu par la majorité des musulmans. Par exemple, le jihad est présenté comme un pilier de l’Islam, ce qui est faux. En règle générale, on y parle plutôt de politique, de manières de vivre, par exemple le voile ou la manière de traiter les femmes. Et bien sûr, on trouve aussi des revendications de groupe terroristes ou para-terroristes. Je me souviens qu’après un attentat en Algérie contre une société canadienne (la société SNC Lavallin, dont 12 employés ont été tués en 2008, NDLR), les terroristes avaient posté sur un site des photos qui justifiaient cette action. Cela peut aller jusqu’à des recettes pour confectionner des bombes ou des conseils pour réaliser un sabotage.

Ces sites sont-ils très nombreux ?

Il en existe des dizaines. Quatre ou cinq sont considérés comme particulièrement virulents et sont surveillés par les services de renseignement. C’était le cas d’Ansar.info avant qu’il change de nom.

Sont-ils réservés aux arabophones ?

En général oui, mais pas seulement. A l’époque où l’américain yéménite Anwar al-Awlaqi vivait encore, on y trouvait des scans de son magazine Inspire, entièrement réalisé en anglais pour un public de convertis.

Les services de renseignement parviennent-ils à identifier les commentateurs les plus excités ?

Ces gens utilisent souvent un proxy, une adresse IP modifiée ou se connectent depuis un ordinateur public. On identifie en revanche les tendances et les flux. Si on observe tout à coup beaucoup plus de connexions qui viennent d’Algérie, du Maroc ou du Yémen, c’est significatif. Soit il s’est passé quelque chose, soit il risque de s’y passer quelque chose.

Quel est le poids d’internet parmi les méthodes de prosélytisme islamiste ?

Son importance me paraît surestimée. C’est une source d’inspiration parmi d’autres. Dans le cas de Merah, le passage en prison a peut-être joué, celui au Pakistan certainement, de même que l’influence de son frère radical Abdelkader. Internet, c’est un peu la piqure de rappel qui permet de se tenir à jour et de maintenir sa colère intacte. Mais on ne devient pas un jihadiste uniquement de manière virtuelle.

Propos recueillis par E.R.

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