La superbe mitre de San Gennaro n'est qu'une partie du trésor © Reuters

Le trésor de San Gennaro au coeur d’une bataille entre les Napolitains et l’Eglise

Le Vif

Des milliers de Napolitains ont manifesté samedi pour protester contre la prise de contrôle par l’Eglise catholique du trésor de San Gennaro, l’un des saints patrons de la ville du sud de l’Italie.

« Nous protégeons une institution vieille de plusieurs siècles et ne supporterons aucune interférence, de l’Eglise ou du gouvernement », a expliqué à l’AFP Paolo Jorio, directeur du musée de San Gennaro où les bijoux sont conservés.

C’est un décret du ministre italien de l’Intérieur, Angelino Alfano, qui a mis le feu aux poudres. Selon ses critiques, il menacerait l’autonomie du conseil laïque chargé depuis 500 ans de la conservation de ce trésor religieux composé de nombreux bijoux offerts par des rois, des aristocrates et des admirateurs du saint.

Plus de 3.000 personnes, certains en T-shirt représentant le saint, ont noué des mouchoirs blancs au portail du musée et de la chapelle attenante. Parmi leurs banderoles, on pouvait lire « Ne touchez pas au trésor ». Le conseil a été mis en place alors que Naples faisait face à une série de malheurs: une résurgence de la peste, un siège par les Français et une éruption du Vésuve à l’origine de tremblements de terre.

Les survivants de ces catastrophes se sont engagés en 1527 à ériger une chapelle à leur saint patron, Saint Janvier en français, décapité en 305 lors de la persécution des chrétiens par l’empereur Dioclétien. Construit avec l’argent de la ville, le bâtiment et son trésor sont gérés par ce conseil, formé de douze laïcs et du maire. Outre des bustes en argent de saints, le trésor est composé de colliers et boucles d’oreille sertis de pierres précieuses et d’une mitre en or qui compte 3.326 diamants, 164 rubis et près de 200 émeraudes (photo).

Le conseil s’occupe aussi du miracle de Gennaro, une cérémonie organisée trois fois par an lors de laquelle les fidèles prient pour la liquéfaction du sang du saint, contenu dans une fiole qu’un prêtre tient dans la main. Si le sang reste coagulé, cela est interprété comme un mauvais présage pour la ville. Et même un signe annonciateur, disent les plus superstitieux, d’une éruption du puissant Vésuve qui menace la ville. C’est en agitant un mouchoir blanc que le miracle est annoncé aux fidèles. Le conseil est le gardien de la fiole. Et c’est le maire qui invite l’archevêque de Naples dans la chapelle pour la cérémonie de liquéfaction.

Les manifestants affirment que l’Eglise a tenté à plusieurs reprises, depuis des siècles, de récupérer la fiole et le trésor. Le cardinal Crescenzio Sepe, archevêque de Naples, « a mis une grande pression sur le ministre pour qu’il exerce son influence sur l’un des symboles les plus célèbres de la religion populaire », affirme M. Jorio.

Le ministère de l’Intérieur a affirmé que le conseil était assimilable aux autres organisations qui s’occupent de bâtiments religieux, comme la basilique Saint Pierre à Rome, et ordonné que quatre de ses postes soient attribués à des représentants de l’Eglise catholique.

Le conseil va faire appel de cette décision, a affirmé M. Jorio, et d’autres manifestations sont déjà prévues. Le maire de Naples, Luigi De Magistris, qui préside le conseil, a affirmé qu’il ferait ce qu’il faudrait pour « garantir que ce que nous a transmis San Gennaro ne soit jamais dévalorisé ».

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