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Le syndrome post-traumatique, le mal insidieux qui mine les réfugiés

Le Vif

Les victimes de tortures ou d’autres abus répétés souffrent souvent d’un syndrome post-traumatique complexe, un mal insidieux étudié depuis seulement une quinzaine d’années et nécessitant une prise en charge spécifique.

« Il s’agit de personnes ayant subi des abus répétés, pendant longtemps et dans un contexte coercitif », victimes de tortures ou enfants violés par exemple, explique Massimo Germani, un psychiatre qui a dirigé un centre pour victimes de tortures à Rome. « Cette rencontre avec le mal absolu, avec l’antithèse de ce qui fait que nous tenons debout, peut nous briser en 1.000 morceaux, ou déclencher en nous une ligne de défense très puissante par la dissociation: tu es là, tu vois ce qui se passe, mais la terreur et la douleur ne passent pas par la conscience et vont directement se geler dans la mémoire implicite », ajoute-t-il. Ainsi, les personnes sont souvent capables de raconter les faits, mais pas les émotions. Elles énumèrent des atrocités d’un ton si neutre qu’il fait douter les commissions d’examen de leur statut de réfugié, « alors que ce détachement apparent est justement le signe d’une pathologie très sérieuse », insiste le médecin.

Au quotidien, les patients semblent aller bien, mais régulièrement, un son, une sensation, une pensée réactivent leurs angoisses enfouies, et ils se referment, ou deviennent agressifs, ou entendent des voix. Leur mal est difficile à diagnostiquer et souvent confondu avec de la schizophrénie. Quand un somnifère ou un anti-dépresseur peut soulager beaucoup de cas de stress post-traumatique simple, ces personnes ont besoin de traitements différents, avec une prise en charge psychologique spécifique et à long terme. Cela doit aussi s’accompagner d’une prise en charge sociale, à taille humaine. « Si on laisse une personne souffrant de paranoïa partager un dortoir avec 50 personnes, elle ne dormira jamais. Et elle ne pourra pas guérir, même si Freud lui-même venait la soigner », explique M. Germani. Cette prise en charge est d’autant plus nécessaire en Europe que le périple dramatique par lequel les victimes des conflits doivent passer pour arriver aggrave fortement leur état. Une étude réalisée en 2013 auprès de réfugiés dans des camps au Tchad ou au Cameroun d’une part, et en Italie d’autre part, a ainsi montré que s’ils souffraient à proportion équivalente de dépression (44% en Afrique, 38% en Italie), la prévalence du syndrome post-traumatique complexe passait presque du simple au double (24% en Afrique, 44% en Italie).

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