Martin Schulz © Reuters

Le sauveur devenu « loser »: Martin Schulz ou les promesses non tenues

Le Vif

Arrivé en sauveur il y a un an à la tête du parti social-démocrate allemand, Martin Schulz a dû passer mercredi le relais après une annus horribilis marquée par une débâcle aux législatives et plusieurs volte-face.

Visiblement fatigué, Martin Schulz a déclaré mercredi soir devant la presse ne pas être en mesure d’assurer au mieux le « processus de renouvellement » de son parti qui, sous sa férule, n’a cessé de s’affaiblir.

L’ancien président du Parlement européen avait proclamé le retour du SPD dans l’opposition juste après le scrutin du 24 septembre et juré qu’il ne serait jamais ministre sous un gouvernement d’Angela Merkel. Il a au bout du compte mangé son chapeau dans les deux cas.

« Martin Schulz a fait ces derniers mois de nombreuses promesses qu’il n’a pas pu tenir », constate le quotidien de gauche Süddeutsche Zeitung.

Car son parti a fait mercredi un pas de géant en direction d’une nouvelle alliance avec les conservateurs. Et Martin Schulz a insisté pour devenir ministre des Affaires étrangères. Un poste prestigieux, mais aux allures de « placard doré », pour l’exfilter de la tête d’un parti où il était de plus en plus contesté.

Pressions

L’engagement du SPD dans une nouvelle coalition avec la droite d’Angela Merkel – la troisième avec les expériences de 2005-2009 et 2013-2017 – contrairement à l’engagement post-électoral de départ, n’est certes pas seulement de son fait.

Martin Schulz, 62 ans, et son parti se sont retrouvés sous intense pression dans le pays après l’échec de pourparlers gouvernementaux entre conservateurs, écologistes et libéraux en novembre.

Pour forger une majorité au Parlement, et éviter au pays un vide politique prolongé, il ne restait plus que l’option d’une alliance entre droite et centre-gauche.

Mais c’est surtout sa volonté d’être ministre à tout prix qui lui vaut aujourd’hui le plus de critiques.

« Il brise là une promesse personnelle », ce qui pourrait être lourd de conséquence pour le SPD et l’Allemagne, estime le journal régional Augsburger Allgemeine. Cette décision pourrait influer négativement sur le vote début mars des militants du SPD, qui auront le dernier mot sur la formation du gouvernement.

Le résultat est attendu le 4 mars. Après cette date, un congrès extraordinaire du SPD devrait entériner le remplacement de Martin Schulz par Andrea Nahles, 47 ans, cheffe du groupe parlementaire du SPD.

Ces volte-face ont terni sa crédibilité. Seuls 14% des Allemands le choisiraient aujourd’hui comme chancelier -il n’était jamais tombé aussi bas- et le SPD est descendu à 17% d’intentions de vote, selon un sondage cette semaine. Du jamais vu.

Perdant de l’année

En septembre déjà, le parti n’avait récolté que 20,5% des voix aux législatives, le plus mauvais score de son histoire. L’institut Forsa l’a désigné « le perdant de l’année » fin décembre.

Son arrivée aux commandes du plus vieux parti d’Allemagne fut pourtant accueillie dans l’euphorie par les militants. Il fit même un temps fait jeu égal dans les sondages avec la chancelière au printemps 2017.

Il avait été choisi à l’époque pour remplacer Sigmar Gabriel, écarté après avoir fait tomber le SPD à seulement 20% des intentions de vote. Un an plus tard Martin Schulz fait pire et voit l’extrême droite le talonner, à 15% dans les sondages. Un séisme.

Ancien alcoolique ayant quitté l’école sans diplôme, pour finalement devenir président du Parlement européen, Martin Schulz a longtemps puisé dans son parcours atypique et son profil d’homme du peuple pour tenter de s’imposer.

Polyglotte autodidacte – il parle cinq langues -, ce père de deux enfants doit toutefois aujourd’hui affronter un fronde de l’aile gauche de son parti, résolument opposée à la poursuite de l’alliance avec Angela Merkel.

La fin peu glorieuse de sa présidence du SPD relègue au second plan les concessions importantes qu’il a obtenues pour son parti dans l’accord gouvernemental avec les conservateurs.

Le journal conservateur Die Welt parle de « succès politique considérable »: six ministères pour les sociaux-démocrates, dont les Affaires étrangères et surtout les Finances, traditionnelle chasse gardée des conservateurs.

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