Sirajuddin Haqqani © Capture d'écran YouTube

Le réseau Haqqani, un redoutable groupe extrémiste qui inquiète les Américains

Le Vif

Ce réseau extrémiste et groupe allié des talibans en Afghanistan fait trembler en haut lieu. « Lorsque vous entendez des responsables américains, y compris en privé, parler de ce qui les inquiète le plus, ils évoquent toujours les Haqqanis ». Portrait.

Ce réseau extrémiste est accusé d’avoir retenu en otage une famille nord-américaine pendant cinq années. Mené par Sirajuddin Haqqani, qui est aussi l’adjoint du chef des talibans afghans, le groupe insurgé est tenu pour responsable de plusieurs attentats sanglants en Afghanistan ces dernières années.

Soupçonné de longue date d’entretenir des liens avec les services secrets pakistanais, le réseau a été dépeint en 2011 par l’amiral américain Mike Mullen comme un « véritable bras » de ces derniers.

« Lorsque vous entendez des responsables américains, y compris en privé, parler de ce qui les inquiète le plus, ils évoquent toujours les Haqqanis », souligne Michael Kugelman, analyste au Wilson Center à Washington.

– Qui sont-ils ? –

Le groupe a été fondé par Jalaluddin Haqqani, un commandant moudjahidine qui combattait l’invasion soviétique en Afghanistan dans les années 80 avec l’aide des Etats-Unis et du Pakistan.

Jalaluddin s’est fait connaître pour ses talents d’organisateur et pour son courage, attirant l’attention de la CIA et recevant une visite personnelle d’un élu du congrès américain, Charlie Wilson.

Parlant couramment l’arabe, Jalaluddin a aussi noué des liens étroits avec des jihadistes arabes dont Oussama Ben Laden, arrivé dans la région pendant la guerre. Il occupa plus tard un poste de ministre sous le régime taliban.

Désigné par les Etats-Unis comme un groupe terroriste, les Haqqanis sont connus pour leur recours fréquent aux kamikazes.

Ils ont été accusés d’avoir organisé l’explosion au camion piégé qui a tué quelque 150 personnes en mai dernier au coeur de Kaboul, bien que Sirajuddin l’ait nié dans un rare message audio.

Le réseau est également tenu pour responsable de l’assassinat de hauts responsables afghans et de l’enlèvement d’étrangers en échange de rançons.

Parmi ces derniers figuraient, jusqu’à leur libération la semaine dernière, le Canadien Joshua Boyle, son épouse américaine Caitlan Coleman, et leurs trois enfants nés en captivité, de même que le militaire américain Bowe Bergdahl, libéré en 2014.

Joshua Boyle et Caitlan Coleman
Joshua Boyle et Caitlan Coleman© Reuters

– Où se trouvent-ils ? –

Après l’invasion américaine en Afghanistan en 2001, les combattants talibans ont franchi en masse la frontière pakistanaise où ils se sont regroupés avant de lancer une insurrection contre les Américains.

Parmi eux, les Haqqanis coordonnaient des attentats contre l’Otan depuis leur fief de Miran Shah, capitale du Nord-Waziristan, un territoire tribal reculé du Pakistan.

Les Etats-Unis ont répliqué par de nombreuses frappes de drones, dont la dernière, lundi soir, a tué plus de 20 personnes selon des responsables locaux. L’armée pakistanaise de son côté a mené avec succès de vastes opérations de nettoyage, même si des responsables afghans notent avec ironie qu’elle semble constamment manquer les Haqqanis.

Le Pakistan a encore intensifié ses opérations dans la région en 2014, forçant nombre de combattants à se cacher ou à passer en Afghanistan, selon des sources insurgées interrogées par l’AFP.

– Quels liens avec le Pakistan ? –

Le Pakistan considère l’Inde, son voisin et rival, comme une menace existentielle et cherche de longue date à renforcer son influence à Kaboul pour mieux se prévenir contre Delhi.

Les Haqqanis ont fréquemment été accusés de viser des intérêts indiens en Afghanistan, renforçant les soupçons qu’ils agissaient pour le compte d’agences de renseignement pakistanaises.

« Pour le Pakistan, tous les calculs gravitent autour de l’Inde », souligne M. Kugelman.

« Il voit les Haqqanis et plus généralement les talibans afghans comme un outil utile pour lutter contre la présence de l’Inde en Afghanistan », note-t-il.

Hommes politiques et anciens militaires à Islamabad reconnaissent en privé qu’il est crucial pour le Pakistan de garder des canaux ouverts avec les Haqqanis.

Mais pour Mehmood Shah, un ancien brigadier ayant travaillé dans les zones tribales, « il y a une différence entre avoir des contacts et les soutenir ou en faire partie ».

– Que demandent les Etats-Unis au Pakistan ? –

Washington fait depuis longtemps pression sur le Pakistan pour qu’il réprime les groupes insurgés, les Haqqanis en priorité.

Le président américain Donald Trump a encore accru la pression cet été en accusant Islamabad de jouer un double jeu en Afghanistan et d’abriter sur son sol des « agents du chaos ».

Le Pakistan dément vivement ces accusations et accuse les Etats-Unis d’ignorer les milliers de vies pakistanaises perdues dans la lutte contre le terrorisme

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