Kerry et Lavrov, le 10 septembre 2016 © Belga Image

Le régime syrien accepte l’accord de trêve russo-américain, l’opposition reste prudente

Le Vif

Le régime syrien a approuvé samedi l’accord russo-américain sur une trêve en Syrie, qui doit débuter lundi dans ce pays déchiré par cinq ans de guerre, tandis que l’opposition syrienne l’a accueilli avec circonspection.

Les chefs de la diplomatie américaine John Kerry et russe Sergueï Lavrov, dont les pays soutiennent des camps adverses en Syrie, ont annoncé vendredi soir cet accord qui pourrait en outre déboucher sur une coopération militaire inédite contre les jihadistes.

Samedi, 24 personnes ont été tuées dans des raids aériens contre un marché et plusieurs quartiers de la ville rebelle d’Idleb (nord-ouest), a rapporté l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, qui n’était toutefois pas en mesure d’identifier les auteurs des frappes.

Si la trêve négociée par les Américains et les Russes débute bien lundi, elle coïncidera avec l’Aïd el-Adha, la grande fête musulmane du sacrifice. « Le gouvernement syrien a approuvé l’accord russo-américain (…) et une cessation des hostilités va débuter à Alep pour des raisons humanitaires », a indiqué l’agence officielle Sana, citant des « sources informées ». « Le gouvernement syrien a eu connaissance de l’ensemble de l’accord et l’a approuvé », ont précisé ces mêmes sources.

Plus tôt dans la journée, le Haut comité des négociations (HCN), qui rassemble les principaux représentants de l’opposition et de la rébellion syriennes, avait indiqué n’avoir pas encore reçu « une copie officielle » du texte.

Une membre du HCN, Bassma Kodmani, avait réagi avec circonspection à l’annonce de l’accord dont l’application dépend, selon elle, avant tout de la Russie.

« Nous voulons que la Russie persuade le régime d’appliquer l’accord. Nous ne nous attendons pas à ce que le régime le fasse de plein gré », a-t-elle indiqué à l’AFP.

Démilitarisation d’un axe clé à Alep

La Russie, un allié du régime de Bachar al-Assad, et les Etats-Unis, qui soutiennent des rebelles dits modérés, ont tous les deux affirmé que ce plan était la meilleure chance d’en finir avec un conflit qui a fait plus de 290.000 morts et provoqué l’exode de millions de Syriens.

Un des points de l’accord concerne Alep, la grande ville du nord divisée entre secteurs tenus par les forces du régime dans l’ouest et quartiers contrôlés par les rebelles dans l’est. Ces derniers ont été le théâtre samedi de bombardements aériens ayant fait quatre morts.

L’accord prévoit la « démilitarisation » de la route du Castello, au nord d’Alep et qui était un axe de ravitaillement pour les rebelles avant que le régime n’en reprenne le contrôle le 17 juillet, les assiégeant de facto.

Il stipule que c’est à travers cette route-là que sera acheminée l’aide humanitaire à la cité.

L’accord a été salué par la Turquie – qui a lancé fin août une offensive dans le nord de la Syrie contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) et les Kurdes-, par la Grande-Bretagne, la France et la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini.

Distance avec les groupes radicaux

Alors que Moscou doit faire pression sur le régime, Washington doit convaincre les rebelles de se dissocier des jihadistes avec lesquels ils sont notamment alliés dans les provinces d’Alep et Idleb (nord-ouest).

Le principal groupe jihadiste concerné ici est le Front Fateh al-Cham, ex-Front al-Nosra qui a renoncé à son rattachement à Al-Qaïda mais reste considéré comme un groupe « terroriste » par Moscou et Washington.

A ce sujet, M. Lavrov a annoncé la création d’un « centre conjoint » russo-américain destiné à coordonner d’éventuelles frappes contre les jihadistes.

Selon Bassma Kodmani, les rebelles rompront leurs liens avec les groupes jihadistes si la trêve tient.

« Les groupes modérés vont se réorganiser et prendre leur distance avec les groupes radicaux », a-t-elle estimé.

Mais selon Charles Lister, chercheur au Middle East Institute, les principaux combattants de l’opposition n’ont jusque-là pas montré de volonté de rompre leurs alliances avec des groupes jihadistes, considèrées comme « une nécessité militaire ».

Cette alliance se vérifie dans la province d’Idleb dont la ville éponyme a été la cible samedi de frappes meurtrières ayant fait 24 morts et au moins 90 blessés.

Un photographe de l’AFP à Idleb a vu des hommes escalader des décombres, en sandales, pour aider à l’évacuation des blessés et des habitants couverts de poussière après l’effondrement de leur immeuble.

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