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Le référendum écossais, prélude à un printemps des régions européennes ?

Le Vif

Le référendum d’indépendance de l’Ecosse, à l’approche duquel le camp indépendantiste est désormais aux coudes-à-coudes avec les unionistes, ouvre-t-il la voie à un printemps des régions européennes ? Le vote de jeudi prochain pourrait bien bouleverser l’ordre européen, mais peu s’aventurent à prédire la suite des événements.

Une question taraude la classe politique écossaise et les observateurs de tout le continent: une Ecosse indépendante se verrait-elle octroyer automatiquement le statut d’Etat membre de l’Union européenne ? L’enjeu revêt une importance symbolique: une intégration européenne éviterait à la petite Ecosse de se retrouver seule au monde. Les Ecossais sont en outre nettement moins eurosceptiques que les Anglais, qui envisagent quant à eux un référendum de sortie de l’UE en 2017!

Le camp du oui assure que l’Ecosse pourrait devenir membre de l’Union, sans période de transition, dès la date envisagée pour l’indépendance, le 24 mars 2016. « L’Ecosse fait déjà partie de l’UE, et donc il ne fait aucun doute que nous rencontrons toutes les exigences. En outre, avec nos réserves énergétiques et halieutiques, il est clairement dans l’intérêt de l’Union que la place de l’Ecosse soit assurée », avancent les indépendantistes sur leur site Yes Scotland. Mais les choses ne sont pas aussi simples. L’adhésion de l’Ecosse dépendra en réalité des négociations de scission avec le Royaume-Uni, qui pourraient s’avérer compliquées.

Selon Fabian Zuleeg, directeur du European Policy Centre, il est vraisemblable que les conditions d’adhésion de l’Ecosse soient directement négociées entre Edimbourg et Londres, avant d’être présentées aux autres Etats membres – ou négociées parallèlement avec eux. Les 28 auraient ensuite à se prononcer, à l’unanimité. Leur approbation est loin d’être acquise. Préoccupés par leurs propres courants sécessionnistes, l’Espagne (Catalans et Basques), la Roumanie et la Slovaquie (minorités hongroises), ainsi que la Grèce et Chypre (chypriotes turcs) n’ont, par exemple, jamais reconnu le Kosovo indépendant. Il n’est pas certain qu’ils accepteraient sans broncher l’adhésion de l’Ecosse.

« Ils ont pourtant tout intérêt à la faire, afin de montrer que c’est un processus différent, constitutionnel », estime Fabian Zuleeg. Contrairement au référendum écossais, la consultation catalane prévue le 9 novembre a en effet été déclarée inconstitutionnelle par les institutions espagnoles. Dans ce contexte incertain, la Commission européenne reste aussi discrète que possible. Longuement questionnée cette semaine par des journalistes de tous pays, une porte-parole de a refusé de se prononcer sur la question « spéculative » d’une adhésion écossaise. La Commission est soucieuse de ne pas interférer dans le processus électoral, a-t-elle ajouté.

L’exécutif européen n’a pas toujours fait preuve d’autant de prudence. Son président, José Manuel Barroso, avait fait couler de l’encre en février dernier en soulignant à quel point une adhésion serait « difficile ». « Nous avons vu que l’Espagne s’est opposée à la reconnaissance du Kosovo, qui est un cas similaire, dans une certaine mesure. Donc je pense qu’il sera extrêmement difficile, si pas impossible, pour un nouvel Etat membre issus de l’un de nos pays d’avoir l’accord des autres », avait-il déclaré à la BBC, provoquant la fureur des indépendantistes. Auparavant, la Commission avait déjà donné quelques clarifications légales: selon elle, « si une partie d’un territoire d’un Etat membre cessait d’être part de cet Etat pour devenir un nouvel Etat indépendant, les traités ne s’appliqueraient pas à ce territoire. En d’autres termes, un nouvel Etat indépendant deviendrait un Etat tiers vis-à-vis de l’UE ». L’Ecosse devrait donc, comme les autres pays candidats, suivre le tortueux parcours des négociations d’adhésion. Le cas écossais est suivi avec attention dans toutes les régions d’Europe qui rêvent comme elle d’accéder à l’indépendance. La Catalogne est au premier rang, avec son propre référendum, contesté par Madrid, prévu le 9 novembre. Le Pays Basque et la Flandre sont en embuscade.

Pour l’eurodéputé N-VA Marc Demeskaeker, l’Europe doit se préparer à des événements « historiques ». S’il salue « le climat de respect » qui prévaut au Royaume-Uni, il dénonce l’attitude du gouvernement espagnol face aux Catalans. Madrid « se crispe sur l’indivisibilité du pays et juge le référendum anticonstitutionnel. La question est de savoir si cette question est un tant soit peu légitime. Un mariage forcé, ça devrait être exclu en 2014 », tranche-t-il. Comparaison n’est toutefois pas raison, admet l’élu N-VA. « Toutes les nations ont leur propre histoire. L’autodétermination peut être atteinte par l’indépendance, mais aussi par l’intégration dans un ensemble plus grand ou par le fédéralisme ou le confédéralisme », dit-il. Eric Defoort, qui siège pour la N-VA dans les instances dirigeantes de l’Alliance Libre européenne (l’ALE, une coupole de partis régionalistes européens), croit quant à lui déceler une similitude entre l’Ecosse et… la Wallonie. Maintenant qu’une coalition suédoise est appelée à diriger la Belgique, les deux régions se retrouvent marginalisées à gauche dans un pays gouverné par la droite. De quoi redonner du souffle au régionalisme wallon, anticipe-t-il.

Mais de telles prévisions relèvent davantage de la politique-fiction que de la science exacte. Entre ceux qui annoncent un printemps des régions, lointain écho au printemps des peuples de 1848, et les adeptes du status quo, peu des certitudes émergent. L’Histoire européenne pourrait réserver encore bien des surprises.

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