Ben Laden et le 11-Septembre : une décision contestée par son mufti ? © Balkis Press/Reporters

Le récit glaçant de Mahfoudh Ould el-Waled, l’homme dans l’ombre de Ben Laden

Le Vif

Le journaliste Lemine Ould M. Salem a longuement interviewé l’ancien conseiller spirituel du fondateur d’Al-Qaeda.

Rares sont les hommes qui ont connu Oussama Ben Laden dans l’intimité. Plus rares encore sont ceux qui peuvent en parler. Quand l’un d’entre eux accepte de le faire, on tient alors un document. C’est tout l’intérêt du livre du journaliste mauritanien Lemine Ould M. Salem. Reporter indépendant, spécialiste des mouvements djihadistes au Sahel, il est parvenu à recueillir les propos de Mahfoudh Ould el-Waled. Ce quinquagénaire est aussi connu de tous les services de renseignement du monde sous son pseudonyme d’Abu Hafs al-Mauritani. Car il a été le mufti (référent religieux) d’Al-Qaeda, le meilleur ami de Ben Laden, mais aussi le protecteur d’une partie de la famille, lors de la débâcle de l’organisation terroriste, en 2002.

C’est au ministère mauritanien de la Communication, à Nouakchott, en janvier 2015, que l’auteur tombe sur la piste de l’ancien n° 3 d’Al-Qaeda. Un journaliste local lui fait comprendre qu’il pourrait l’introduire auprès d’Abu Hafs. Ce dernier habite en ville, dans un quartier résidentiel. Là, au fil de trois semaines d’entretiens, son hôte lui dévoile son incroyable parcours, durant près de vingt années, au sein de la galaxie du djihad mondialisé.

Né en 1967 dans une famille bédouine, Abu Hafs ne fréquente que l’école coranique, avant d’intégrer l’Institut saoudien d’études islamiques de Nouakchott, qui deviendra une  » rampe de lancement pour le djihad international « . Erudit, le jeune homme effectue un premier séjour en Afghanistan en 1991. Il impressionne les frustes moudjahidine par son savoir encyclopédique. L’année suivante, il rejoint Ben Laden à Khartoum (Soudan). Il devient son professeur en exégèse coranique. Son conseiller, son ami. Après leurs premiers attentats d’envergure, Ben Laden et ses hommes s’exilent en Afghanistan. En tant que mufti d’Al-Qaeda, Abu Hafs est consulté pour garantir la conformité des décisions importantes au regard de la loi islamique.

En 2011, Ben Laden rassemble le conseil consultatif d’Al-Qaeda pour annoncer son intention de mener des attaques sur le sol américain. Sans donner de détails. Abu Hafs s’oppose alors à une initiative qui conduirait à tuer  » des innocents qui ne nous ont pas combattus « . Ben Laden passe outre. Après les attentats du 11-Septembre, il parviendra à s’éclipser. Il aurait pu en être autrement, d’après son ex-conseiller. A la demande des Américains, le Pakistan dépêche son responsable des services de sécurité auprès du chef des talibans pour le presser de leur  » donner  » Ben Laden. Mais, aussitôt après avoir délivré son message officiel, l’émissaire ajoute :  » A titre personnel, je te conseille de ne pas l’accepter !  »

En janvier 2002, Abu Hafs parvient à se réfugier en Iran avec quelques dizaines de combattants et des membres de la famille de Ben Laden.

Rentré en Mauritanie en 2012, l’ancien mufti d’Al-Qaeda se garde aujourd’hui de faire des déclarations trop tapageuses. Mais ses convictions et son aura dans les milieux djihadistes restent intactes.

Par Boris Thiolay.

L’Histoire secrète du djihad, d’Al-Qaida à l’État islamique par Lemine Ould M. Salem, Flammarion, 240 p.

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