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Le président Santos peut-il réussir la paix en Colombie?

Dix ans après l’échec des négociations avec la guérilla des Farc, le président colombien joue son avenir à quitte ou double: il vient de rouvrir des pourparlers avec les anciens ravisseurs d’Ingrid Betancourt. À la surprise générale.

Le président Juan Manuel Santos a surpris lundi en confirmant des rumeurs qui circulaient depuis plusieurs semaines à Bogota: oui, son gouvernement est prêt à ouvrir des négociations de paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), plus ancienne guérilla marxiste de la planète, en activité depuis 1964. Des conversations « exploratoires » allant en ce sens ont eu lieu récemment à La Havane (Cuba), a révélé le président.

Cette annonce soulève espoir et scepticisme Espoir: la majorité des Colombiens souhaite évidemment la fin de l’interminable conflit qui a entraîné le déplacement de 4 millions de personnes et causé des dizaines de milliers de morts (militaires, guérilleros, civils).

Scepticisme, car plusieurs tentatives de négociations de paix se sont soldées par de cuisants échecs: en 1983-1985 (sous la présidence de Bélisario Betancur), en 1991-1992 (sous César Gaviria), en 1998-2002 (Andrès Pastrana). À chaque fois, les cessez-le-feu avaient été mis à profit par la guérilla pour se renforcer militairement. En février 1992, Ingrid Betancourt avait d’ailleurs été capturée par les Farc seulement vingt-quatre heures après la rupture des négociations.

« Le moment semble bien choisi par le président Santos », estime le spécialiste Daniel Pécaut, auteur de « Les Farc, une guerre sans fin? ». La conjoncture n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était voilà dix ans. Pastrana négociait en position de faiblesse alors que la guérilla était au sommet de sa puissance: il avait fait des concessions sans obtenir des garanties en échange. Santos, lui, entame un dialogue avec des insurgés qui ont reculé de manière considérable à la fois territorialement, militairement et moralement, notamment en raison de l’élimination de plusieurs de leurs chefs. »

Les contours d’une éventuelle réforme agraire Ces derniers mois, la guérilla a manifesté deux signes de bonne volonté. D’abord en libérant unilatéralement des prisonniers militaires et policiers qu’elle détenait depuis 13 ans. Puis, en s’engageant à ne plus commettre de prise d’otages.

Le président Santos, lui, a esquissé les contours d’une éventuelle réforme agraire, réclamée par les Farc depuis des décennies. Cependant, il doit faire face à l’hostilité de la droite et l’extrême droite, à commencer celle de son prédécesseur Alvaro Uribe qui l’accuse de faiblesse. « Quelle tristesse de voir que l’on négocie avec… des terroristes », écrit-il sur son compte Twitter. » Qu’y a-t-il à négocier avec des terroristes? Le développement rural? La fiscalité? Les droits de l’homme?. Qu’y a-t-il à négocier avec des bandits qui s’enrichissent avec l’argent de la drogue? »

Quoi qu’il en soit, un premier round de discussion entre le gouvernement et la guérilla s’ouvrira à Oslo (Norvège) début octobre. Après quoi les négociations se poursuivront à La Havane (Cuba). Les gouvernements norvégiens et cubains ont été désignés comme les « garants » des futurs pourparlers de paix tandis que le Venezuela et le Chili en seront les accompagnateurs.

Santos, qui se donne deux ans pour faire la paix, joue son avenir à quitte ou double. S’il réussit son pari, il peut viser la réélection en 2014. S’il échoue, ses détracteurs, qui se reconnaissent dans l’ex-président Uribe (2002-2010) seront renforcés.

Par Axel Gyldén

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